Développer la participation des accueillis au sein des associations
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Depuis toujours, la participation et l’implication des personnes accueillies au sein des associations membres de l’UDV sont des préoccupations majeures et font partie des fondamentaux du réseau. Par participation on entend que les accueillis puissent être acteurs de leur propre développement et non pas uniquement bénéficiaires des dispositifs d’accompagnement.
Toutefois, cette implication reste trop peu fréquente et mérite d’être approfondie. S’appuyant sur ce constat, le réseau de l’UDV a décidé de lancer une réflexion de fond sur ces questions, en y consacrant notamment son séminaire annuel du 13 octobre prochain.
Ainsi, la thématique de la « participation et l’implication du public accueilli » a été retenue comme fil rouge de l’année 2020, et les suivantes, par le bureau de l’UDV pour l’ensemble des associations adhérentes. Le thème « Unir nos diversités pour mieux servir », reprend le 4e axe du Projet associatif de l’UDV pour 2019-2022. Il a également naturellement servi d’illustration pour la carte de vœux 2020.
Contexte
Un certain nombre de démarches ont déjà été initiées pour marquer cette dynamique :
- la volonté remontée par les associations actrices de la santé de travailler sur l’implication du public dans ce domaine;
- l’intégration de cette dimension au sein du projet d’aide alimentaire TABGHA;
- une formation intitulée « intégrez les accueillis dans vos actions » proposée en 2020 en partenariat avec l’Université du Citoyen ;
- l’organisation d’une journée par le CODES, le 12 décembre 2019, autour des démarches participatives à laquelle l’UDV s’est rattachée;
- le lancement du groupe le Puits lié à la démarche d’ICTHUS en Provence Verte et l’impact positif sur les Rencontres de Cotignac.
Sur le plan des politiques publiques nationales, la thématique de l’expression et de la participation des « usagers » – que nous appelons « accueillis » au sein de notre réseau – répond à l’une des priorités de la Loi 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale, qui a réaffirmé la place et les droits des usagers.
Il est en effet précisé dans le texte de Loi que sont assurés à la personne bénéficiaire :
- « La participation directe (…) à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui la concerne » (ArtL311-3).
- « Afin d’associer les personnes bénéficiaires des prestations au fonctionnement de l’établissement ou du service, il est institué soit un conseil de la vie sociale, soit d’autres formes de participation » (Art. L. 311-6).
Les catégories d’établissements ou de services qui doivent mettre en œuvre obligatoirement le conseil de la vie sociale sont précisées par décret. Ce décret précise également, d’une part, la composition et les compétences de ce conseil et, d’autre part, les autres formes de participation possibles.
Pour aller plus loin : découvrez le document « Expression et participation des usagers dans les établissements relevant du secteur de l’inclusion sociale », publié par l’Anesm.
Découvrez le reportage vidéo sur le groupe le Puits, qui vise à développer l’expression et la participation des personnes en situation de précarité :
Prérequis
Cette démarche, véritable ADN de l’UDV, doit pouvoir être pérenne. Pour pouvoir engager un travail de réseau sur cette thématique, il apparaît donc indispensable que :
- l’ensemble des acteurs d’une association soit prêt à investir cette thématique, à y consacrer du temps et à remettre en question et travailler leur propre posture et organisation;
- un programme de formation/accompagnement dans le temps puisse être construit;
- l’appui de personnes compétentes sur la thématique soit assuré.
Concrètement
Au sein de l’UDV, un groupe pilote a été mandaté pour mettre en œuvre cette démarche. Il a repéré 1 objectif principal pour pouvoir développer cette thématique, à savoir renforcer le pouvoir d’agir des personnes accueillies.
En vue d’atteindre cet objectif, plusieurs moyens d’actions ont été imaginés, tels que :
- Proposer aux personnes accueillies de participer à des activités. Le réseau UDV compte en son sein des personnes expertes sur lesquelles il est possible de s’appuyer : Matthieu Galand, coordinateur de Garrigues, Ludovic de Lalaubie, coordinateur du Hameau St François, ou Véronique Martin, metteur en scène et animatrice à Kaïré (lire son témoignage plus bas).
- Associer les accueillis aux décisions de leur association, voire à sa gouvernance (Conseil de vie sociale, Conseil d’Administration etc.).
- Favoriser les événements promouvant le vivre ensemble (fête, spectacle, congrès…).
- Vivre ensemble des actions solidaires (cueillette solidaire, urgences suite à des incendies ou inondations…).
- Développer les initiatives pour penser ensemble (partage de connaissances, partage des savoir-faire selon les modalités développées par l’Université du citoyen ou la méthodologie de l’Université de la diaconie…).
Découvrez notre reportage vidéo sur Garrigues, association partenaire de l’UDV, où la participation et l’implication des personnes est un des fondamentaux :
Retrouvez notre article sur Garrigues publié sur IOTA en avril 2017
Témoignage
Nous avons souhaité illustrer la participation avec un témoignage concret de ce qui se vit déjà dans certaines associations membres de l’UDV. Véronique Martin et Caroline Delaye sont toutes deux animatrices à Kaïré, association qui promeut la pratique artistique pour tous, sans distinction.
Véronique est comédienne et metteur en scène au sein du théâtre de la Gargouille, Caroline est plasticienne pour l’atelier d’art plastique la Gribouille. Voici leur témoignage croisé :
« La participation de tous est vécue concrètement au sein de Kaïré. Nous faisons chaque trimestre un conseil des ateliers pour réfléchir ensemble au projet, faire le point sur la vie de l’association, ce que nous avons vécu, ce que nous pouvons améliorer… Nous évaluons ensemble et tous les adhérents actifs qui participent aux ateliers peuvent participer.
C’est la même chose pour notre Conseil d’Administration qui intègre des personnes qui viennent aux ateliers, dont certaines sont en situation de fragilité : celles-ci représentent leur atelier et participent à la réflexion.
Avec cette dynamique participative, nous sommes à l’écoute de ce que chacun peut apporter à l’association et des façons dont chacun peut enrichir le travail que nous proposons.
La participation de chaque membre de Kaïré est un des piliers de notre projet associatif : nous ne distinguons pas les accueillis des bénévoles, nous avons tous un statut d’adhérent. Bien sûr certaines personnes sont plus fragiles que d’autres mais chacun a sa place et est encouragé à apporter ce qu’il est en mesure de donner.
C’est comme ça depuis toujours, cette manière de faire est dans notre ADN : Kaïré est un lieu au sein duquel chacun trouve sa place avec ses forces et ses fragilités, et où les personnes peuvent être actrices.
Notre objectif vise l’émancipation en rendant les personnes actrices à travers l’expression artistique, en particulier celles qui ont le moins de facilités. C’est pourquoi nous participons par exemple au collectif La Parole Des Sans Voix (LPDSV), qui vise à donner la parole à ceux qui ne l’ont pas.
Depuis 30 ans nous affirmons que la culture n’est pas un luxe et qu’elle est aussi essentielle que les besoins vitaux tels que l’alimentation ou le logement ! La pratique artistique peut être vectrice d’insertion : certaines personnes vivant à la rue sont venues faire du théâtre à Kaïré, et cela les a aidé à se remobiliser, par exemple certaines ont retrouvé le goût pour aller se soigner et ont pu se remettre en route.
Dans nos ateliers de théâtre ou d’arts plastiques, la mixité entre les personnes fragiles et celles qui le sont moins permet de maintenir l’équilibre et de mener les projets à bien.
Intégrer des personnes en situation de fragilité rend parfois les choses plus compliquées, il faut toujours s’attendre à ce que certaines lâchent en cours de route… dans tous les cas il est indispensable de pouvoir s’appuyer sur les autres !
Les pratiques artistiques que nous organisons (le clown, le théâtre, les arts plastiques…) sont intrinsèquement participatives. Nous sommes à l’opposé d’une logique d’assistanat : les spectacles ou les œuvres que nous proposons sont payants et ils font vivre notre association, donc tous les adhérents participent directement à faire vivre Kaïré.
La dimension citoyenne également est importante : Exil, notre spectacle sur les migrants, a par exemple été présenté dans les lycées, des temps d’échange ont eu lieu avec les élèves…
Les thèmes de nos créations ne sont pas choisis au hasard : le collectif LPDSV travaille sur les préjugés, l’écologie…
Nous souhaitons donner un rôle dans la société aux personnes en précarité, alors qu’elles n’y ont pas vraiment leur place au quotidien…
Nous sommes tous au même niveau, même si en tant qu’animatrices nous sommes là pour guider les personnes. Bénévoles, accueillis… à Kaïré il est difficile de définir qui est qui !
C’est cela qui fait que ça fonctionne : les choses se font simplement et les personnes ne se sentent pas jugées. Lorsqu’elles arrivent pour la première fois, nous ne leur posons pas de question. Nous acceptons les personnes telles qu’elles sont, ensuite elles peuvent se confier quand elles sont en confiance.
En même temps le fonctionnement de notre association et de nos ateliers est régi par une charte et encadré par des règles : il règne une grande liberté mais les personnes ne font pas n’importe quoi !
Nous constatons concrètement les bénéfices de la participation pour le fonctionnement de notre association et aussi pour les personnes : nos adhérents s’émancipent peu à peu, ils reprennent confiance en eux, s’impliquent de plus en plus, se risquent et se sentent valorisés.
Ils apprécient de ne pas être stigmatisés : à Kaïré on ne leur colle pas d’étiquettes, il n’y a pas de distinction, ils sont accueillis tels qu’ils sont. Certes notre fonctionnement est parfois plus compliqué, plus lent, mais c’est ça qui fait que la personne va être fière.
Les personnes en situation de fragilité ont une autre manière d’appréhender la réalité, une approche décalée, cela génère beaucoup de joie et de simplicité !
Le confinement a été très difficile pour de nombreux adhérents, il a révélé que Kaïré est un lieu nécessaire et vital pour les personnes ; C’est pourquoi dès l’annonce du déconfinement nous avons décidé de reprendre les ateliers sans plus tarder…
Tout cela révèle que nos actions ont un sens, qu’elles sont vitales, qu’elles touchent à l’essentiel, et ça nous fait tenir malgré toutes les galères que nous rencontrons ! » .
NB : les adhérents de Kaïré participeront au prochain festival culturel C’est pas du luxe !, organisé par la Fondation Abbé Pierre du 25 au 27 septembre à Avignon. Le collectif La Parole Des Sans Voix proposera une déambulation théâtrale intitulée « L’île du bagne », portant sur les préjugés envers les personnes en précarité. L’atelier la Gribouille proposera une exposition intitulée « Les bêtes curieuses », portant sur le thème des animaux imaginaires. Plus d’infos : https://www.kaire.fr/
Découvrez l’association Kaïré-UDV à travers notre reportage vidéo :
http://https://www.youtube.com/watch?v=p0p8ycckdyk
Retrouvez notre article publié sur IOTA en avril 2017
Acteurs impliqués et partenaires pressentis
Les 20 associations adhérentes à l’UDV sont concernées par le développement de cette dynamique. Certaines étant plus en avance que d’autres, le partage de connaissances, savoir-faire et pratiques va être encouragé.
Pour aider le réseau de l’UDV à conforter cette dynamique, plusieurs partenaires sont pressentis, parmi lesquels :
- Le CODES 83.
- L’Université du Citoyen.
- Le Secours Catholique etc.
L’enjeu sera d’associer ces partenaires à la réflexion, pour pouvoir disposer de leur expertise et leurs conseils sur le déroulement de la démarche.
Planning envisagé
Le point de départ de la démarche a été marqué par une Journée d’échanges sur les démarches participatives, co-organisée avec le CODES 83, le 12 décembre 2019.
Les principaux points abordés au cours de cette journée ont été :
- Les représentations des démarches participatives.
- La posture de l’animateur d’une démarche participative.
- Les freins et leviers pour mettre en place une démarche participative.
- Les échanges autour de cas pratiques.
Pour en savoir plus : découvrez le document référence de la journée « Promotion de la santé et démarches participatives : décryptage et points d’attention » publié par le Service universitaire de promotion de la santé de l’Université catholique de Louvain.
Il est ressorti de cette journée que, pour réfléchir au mieux sur la mise en place d’une démarche participative, il convient de :
- S’approprier les différentes notions : définitions et typologies de la participation et les conseils sur la mise en œuvre d’une démarche participative.
- S’interroger sur les points clés autour de la mise en place d’une démarche participative.
De nombreuses attentes des participants sont ressorties à l’issue de la journée :
- Approfondir le sujet, avoir plus de temps d’échanges et d’idées.
- Construire une culture commune au sein du réseau UDV.
- S’appuyer sur les démarches participatives dans le projet de vie.
- Découvrir des techniques d’animation pour « donner envie » de s’investir sur le thème des démarches participatives.
- Mettre en place une recherche-action permettant à la fois un accompagnement personnalisé des associations en fonction des contextes locaux et un travail collectif autour des remontées des différents accompagnements de terrain.
- Les projets de recherche participative associant des chercheurs, des acteurs de terrain et des personnes accueillies ont également été mis en avant comme moyen de produire de la connaissance ou de trouver des solutions face à des situations problématiques. Sur ce point, découvrez la « Démarche de croisement des savoirs et des pratiques avec des personnes en situation de pauvreté » mise en place par ATD Quart Monde.
Suite à cette journée, le CA de l’UDV du 10 mars 2020 a acté et organisé la démarche.
Il a décidé de se lancer dans l’aventure tout en reconnaissant qu’il s’agit d’une démarche délicate : il faut veiller à ne pas placer la barre trop haute sous peine d’engendrer des déceptions et des frustrations. C’est une démarche obligatoire dans les Etablissements Sociaux et Médico-Sociaux, or cela concerne moins d’un quart des maisons sur les 32 que compte le réseau UDV. En ce sens, il s’agit donc d’une décision volontariste du CA !
La question cruciale est donc de bien définir les objectifs visés à travers la mise en place de cette démarche qui est un projet à développer sur les 3 à 4 prochaines années. Le Conseil d’Administration a décidé que ceux-ci seront définis suite au séminaire d’octobre.
Séminaire du 13 octobre
Le CA de l’UDV a décidé de travailler avec un expert du domaine : Daniel Maciel, diacre dans le diocèse de Lille, qui a fondé un organisme spécialisé sur les questions de « Participation et Fraternité ». Comme l’indique son site internet, cet organisme vise à « promouvoir et mettre en œuvre des démarches participatives à partir et avec les personnes en situation de précarité ».
Particulièrement engagé dans la démarche Diaconia 2013, impulsée par l’Eglise de France, Daniel Maciel sera l’intervenant principal du séminaire du 13 octobre. D’ici là, l’UDV se met en ordre de marche pour préparer le lancement de la démarche. Un état des lieux de « l’existant » dans chaque association va être mené, tandis qu’une réunion de sensibilisation ouverte à tous va être organisée. Un groupe pilote est en train d’être constitué.
Dès le mois de septembre, Daniel Maciel engagera un travail avec des groupes déjà existants, visant à développer la participation des accueillis : les membres du Puits, les habitants de l’Eco hameau, les adhérents de Kaïré etc. Il s’agira également de travailler à la mobilisation des associations en vue de leur participation au séminaire, ainsi que de voir comment associer et intégrer des personnes accueillies lors du séminaire.
A la fois point d’orgue et point de départ de la démarche, le séminaire du 13 octobre s’annonce déjà comme le grand rendez-vous de la rentrée, à ne rater sous aucun prétexte… alors nous ne saurions que trop vous conseiller de l’inscrire dès maintenant dans votre agenda !
Pour en savoir plus sur cette démarche engagée par l’UDV et le séminaire du 13 octobre, contactez Pierre Goberville, directeur des services et responsable formation (p(point)goberville(arobase)udv(tiret du 6)services(point)fr) ou Ludovic Teillard, secrétaire général (l(point)teillard(arobase)udv(tiret du 6)services(point)fr). Tous deux sont membres du groupe pilote.
Standard de l’UDV : 04 94 24 45 90, adresse générique : accueil(arobase)udv(tiret du 6)services(point)fr
Pour aller + loin : découvrez le dictionnaire sur la participation réalisé par le groupement d’intérêt scientifique « démocratie et participation » créé par le CNRS : https://www.dicopart.fr/
Christophe Parel, responsable communication de l’UDV