Kaïré : la joie de créer ensemble !

Famille et quartiers Les clowns de Kaïré !

Les clowns de Kaïré !

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Association membre de l’Union Diaconale du Var (UDV) créée en 2001, Kaïré s’est spécialisée dans l’accès à la culture pour tous, et plus particulièrement des personnes en situation de précarité, dans un souci de mixité sociale. En Grec, Kaïré signifie « réjouis-toi ! ». Tour d’horizon de cette association qui redonne la joie de créer aux plus fragiles.

Dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, on peut lire : « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et des bienfaits qui en résultent… L’égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national. Il permet de garantir l’exercice effectif de la citoyenneté. »

Il faut bien reconnaître que l’accès aux activités artistiques n’est pas perçu par tout le monde comme un droit, mais plutôt comme une distraction secondaire et sans importance occultant les autres nécessités vitales. Pour celui qui ne vit pas la précarité,  trouver du travail ou un logement sont les seuls moyens d’en sortir.

Pourtant, pour se reconstruire, reprendre confiance en soi et en la vie, retrouver sa place dans la société, il est indispensable d’arriver à se dépasser. C’est ce dépassement de soi que l’on peut atteindre en pratiquant des activités artistiques.

Que les personnes soient actrices de leur émancipation

Kaïré s’y emploie généreusement depuis 16 ans en rassemblant sans distinction :

  • Des personnes isolées et marginalisées.
  • Des personnes en grande difficulté psychique stabilisée.
  • Des personnes issues de l’immigration.
  • Des sans domicile fixe, en rupture familiale ou de société.
  • Des actifs, des retraités, des étudiants, des familles, des enfants.
  • Des artistes amateurs…

L’accent est mis sur la lutte contre l’isolement et pour l’insertion sociale, en créant des relations de nature totalement différentes entre tous les participants, qui deviennent par-là « acteurs » de leur propre épanouissement. L’objectif ultime est de permettre leur émancipation. Ici la notion d’accueilli et d’accueillant n’existe pas. La démarche se veut participative : tous sont invités à se prononcer sur la vie de l’association lors des conseils d’ateliers.

Au sein du réseau de l’UDV, c’est un travail social bien différent que celui qui s’appuie ainsi sur la création et le geste artistiques. Il s’agit d’un public adulte, même si des enfants ou des jeunes viennent ponctuellement suivre des stages à l’atelier.

L’association est actuellement en mode « déménagement » : les ateliers vont se retrouver bientôt dans un espace surnommé « La Coquette », rue de Dakar, à Toulon, où ils pourront de nouveau vivre ensemble dans une conviviale complémentarité.

L’atelier « La Gribouille »

C’est Caroline Delaye, plasticienne, qui nous reçoit à l’atelier de la « Gribouille », encore localisé rue Chalucet à Toulon, mais pour peu de temps.  Ici, chacun découvre peu à peu ses dons et les développe dans des créations qui sont le reflet de sa personnalité. Il y a l’expression par le dessin, la peinture, le collage ou la sculpture et la participation à des œuvres collectives comme les fresques ou les accessoires de théâtre.

Une quinzaine de personnes (entre 30 et 86 ans) envoyées par des associations ou des travailleurs sociaux, participe actuellement à la Gribouille. Les horaires sont établis en fonction des projets, on déjeune ensemble à midi d’un repas partagé, et le thème est choisi à partir d’un artiste contemporain. Pour tous ces collages, peintures, marionnettes ou masques, des matériaux de toutes sortes – et de récupération – sont utilisés.

On y constate combien tous ces objets destinés au rebut ou à la poubelle reprennent vie grâce à l’imagination et aux dons de chacun, sous l’œil attentif et bienveillant de Caroline qui n’économise ni son temps, ni sa peine.

Elle nous explique : « L’atelier n’est pas un lieu de passage où l’on vient quand on veut selon ses envies. On est ici ensemble avec l’art et ce sont des moments forts. A chacun de découvrir son style, à nous de les y amener en douceur. Il ne s’agit pas de réussir quelque chose à tout prix : parmi nous se trouvent des personnes qui n’ont jamais fait de dessin ou touché un pinceau mais nous ne posons pas de questions car nous rencontrons des gens dont la vie a été ou est encore très malmenée. »

Puis elle nous parle des réalisations, de la présence si efficace de Geneviève de Kermel trop tôt disparue. Les « Masques des 4 continents », c’est un travail de six mois, la « chasse aux préjugés » est un projet sur 3 ans. Le prochain projet sera les « Grands Épouvantails ».

La Gribouille a fait le Festival C’est pas du luxe ! à Apt avec la Fondation Abbé Pierre, et l’exposition En marche avec le Collectif des Sans-Voix. Toutes les œuvres sont à vendre.

La visite de l’atelier, avec toutes les merveilles qu’il renferme, est un moment unique que nous aimerions prolonger. Lorsque le déménagement sera effectif, nous ne manquerons pas d’aller voir la nouvelle galerie et nous inviterons nos lecteurs et leurs amis à en faire autant.

Le théâtre de la « Gargouille »

Installé dans les nouveaux locaux, le Théâtre de la Gargouille nous accueille à son tour. Véronique Martin, comédienne et metteur en scène, nous fait visiter les lieux partiellement aménagés et évoque les réalisations et les projets. L’espace scénique a été entièrement reconstruit à l’arrivée de la troupe, c’était indispensable pour les répétitions. Cette troupe réalise des créations originales, collectives, depuis l’écriture jusqu’à la mise en scène, décors et costumes compris. Les tournées sont organisées au niveau local et régional.

Les répétitions ont lieu le lundi soir, avec environ une quinzaine de participants. Comme pour La Gribouille, tout est concerté et discuté avec Véronique. Cette année, c’est le thème de l’exil qui a été choisi, à partir d’un texte de Laurent Gaudé, Daral Shaga et des témoignages de migrants à Calais recueillis par le Secours Catholique. Comme dans toute réalisation, il y a un équilibre à trouver entre la fragilité des personnes et la qualité du spectacle.

Une fois la mise en scène terminée, on présente la maquette, c’est-à-dire le spectacle non finalisé à un public choisi et qui donnera son avis sur tous ses aspects. Ensuite il sera ouvert à tous.

Fragments vidéos d’instants de vie et de création à Kaïré :

Les clowns

Un deuxième groupe existe également :  l’atelier clown, tous les vendredis après-midi, avec 8 participants, chacun partant à la découverte de son propre clown. Les « Citoyens-nez » sont une partie de ce groupe.

« L’objectif n’est pas seulement de faire rire, mais aussi de mettre en jeu les émotions, les fragilités et les dimensions cachées de chacun en donnant la vie à un personnage sensible, naïf, imaginatif, en relation directe et complice avec ceux qui le regardent.
Il s’agit également de cultiver la présence, l’écoute, le potentiel de jeu, de communication et de création, l’acceptation de soi et de l’autre, le sens de l’humour et de la dérision.

L’atelier alterne temps de jeux collectifs, temps d’improvisation sur scène et temps de parole permettant de repérer à la fois ce qui se passe en soi, les personnages et leurs rapports ainsi que les différents registres du clown, » explique Véronique.

Les clowns de Kaïré !

La troupe « les Citoyens-nez » crée des spectacles autour des thèmes liés à la citoyenneté dans le cadre du Collectif « La Parole des Sans Voix » et se produit au niveau national. Ainsi ils se sont produits à Paris pour la COP 21, l’an dernier pour les 70 ans du Secours catholique, le 1er avril sur le Parvis de la Cathédrale de Toulon….

L’atelier théâtre et l’atelier clown sont deux choses vraiment différentes, même si 5 clowns participent au spectacle.

Ces clowns, ils sont 4 autour de nous, et n’hésitent pas à témoigner avec Véronique, dite « Lulu » : il y a aussi Farah dite « Princesse », Fathi dit « Zitoun », Violaine dite « Sardinette » et Claude dite « Trottinette ».

Voici leurs témoignages :

« Chacun apporte sa pierre, on développe en commun…
Ce qu’on fait éveille la personne…
Moi, ça me structure, je trouve mon équilibre…
On n’est plus enfermé, on partage, on échange…
Je ne suis plus isolée dans ma tête, je m’épanouis avec les autres…
On se relève, on se débloque et on se reconstruit…
La force du clown dans la rue, ça libère les gens, c’est comme une respiration. Une fois, un monsieur a été grincheux avec nous ; il répétait « j’ai pas le temps, j’ai pas le temps » mais c’était sûrement pas la vraie raison… ».

Comme le dit Sardinette, « les gens sont toujours étonnés du boulot qu’il y a derrière tout ça ».

L’art du clown devient pour celui qui le pratique un besoin quasiment vital. Il lui fait toucher le cœur de l’autre et atteindre la personne en profondeur, dans un message original et qui ne se révèle pas du premier coup, comme une sorte de questionnement.

L’Atelier de la « Vadrouille »

Cet atelier organise à des prix modiques des sorties culturelles, des visites d’expositions, des spectacles et des rencontres avec les artistes de Toulon et de la région. Les adhérents font également des balades-plages avec pique-nique lorsque la météo le permet.

Théâtre, musique, danse, cirque, cinéma ou expositions, rien n’est négligé pour sensibiliser à toutes formes d’art et à toutes cultures. Ensuite, les participants sont invités à s’exprimer sur ce qu’ils ont vécu ensemble.

La force des partenariats

L’association a des partenaires internes à l’UDV, comme Solidarités Aire Toulonnaise (Sat), les Amis de Jéricho, Promo-Soins Toulon où un théâtre-forum est organisé lors des petits déjeuners santé. En externe, un début de partenariat se fait avec l’Hôpital d’Instruction des Armées Sainte-Anne, tandis qu’un autre perdure avec le Théâtre Liberté de Toulon.

Actuellement, le fait de ne pas avoir encore retrouvé un local dédié à l’association pour l’ensemble des ateliers crée des difficultés de fonctionnement. Les membres du bureau attendent avec impatience le rapatriement de La Gribouille dans ces nouveaux locaux de la rue de Dakar… qui ne seront malheureusement disponibles que pour deux ans maximum, date à laquelle il faudra de nouveau s’installer ailleurs. Et des affaires de Kaïré, dont de nombreux costumes, sont encore stockées dans les combles de la Cathédrale…

A Kaïré, on considère que les différences sont sources de richesses, on aide celui qui entre à découvrir, développer et épanouir ses capacités de donner, de partager, sans aucune violence dans les relations.

Écoutons Véronique Martin : « Quand on est dans les ateliers, il n’y a plus celui qui est en difficulté et celui qui ne l’est pas. Les barrières tombent et chacun est sur le même pied d’égalité avec ses forces, ses faiblesses, ses blocages. C’est la force de cette expérience. »

Kaïré, réjouis-toi : un terme qui exprime la joie de l’âme, la joie du cœur devant ce qui est beau et bon. C’est dans l’art que l’on se dépasse et que l’on parvient à supporter une vie souvent cabossée, dans un cheminement parfois laborieux, sans tricherie possible.

Picasso a dit que « tout l’intérêt de l’art se trouve dans le commencement ». Dans les ateliers de Kaïré, le commencement c’est l’accueil et l’écoute, premiers pas vers le dialogue et la création libératrice. 

« Le sens de notre vie se révèle rarement spontanément.C’est la confiance donnée, la parole échangée qui rendent possible la révélation de ce qui semblait définitivement enfoui. »                                                   

Phrase écrite par Nathalie Gadéa, Présidente du Secours catholique du Var, à propos de l’exposition En Marche.

Que cette confiance et cette parole continuent à être données et échangées dans ce nouveau lieu de « La Coquette » ! Qu’il soit un espace ouvert, agréable et accessible où chacun pourra s’épanouir pour la plus grande joie de tous… Kaïré !

Par Aline Racheboeuf, auteure bénévole à Iota.
Photos : Delphine Dumont.

Post-scriptum : moi aussi, j’ai très envie de partir à la découverte de mon propre clown, je suis sûre d’avoir beaucoup à apprendre de Lulu et des autres… Aline.

Infos pratiques

Horaires d’ouverture de la galerie : lundi et jeudi, 9h-12h30 et 13h30-17h

Que peut-on acheter ? Tout les créations réalisées dans l’atelier : cartes postales, signets, peintures-collages…

A partir de 5€, on peut se faire plaisir ou faire un joli cadeau !

Le site de Kaïré a fait peau neuve, cliquez-ici pour le consulter : https://www.kaire.fr/

L’association a aussi une page Facebook Asso Kaïré : https://www.facebook.com/asso.kaire/?fref=ts


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