Les Chantiers d’Insertion : une clef du retour à l’emploi
A l’occasion du mois de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS), nous avons décidé de nous intéresser aux 2 Ateliers et Chantiers d’Insertion (ACI) du réseau de l’UDV. Coup de projecteur sur « la Ronde des meubles » à Logivar St Louis, et « l’épicerie solidaire » de la Beaucaire, portée par Amitiés Cité.
L’objectif des ACI est de concourir en faveur de la remobilisation professionnelle des personnes éloignées de l’emploi. Apparus dans les années 90, ils ont été renforcés par la récente Loi sur l’Economie Sociale et Solidaire (ESS), dite « loi Hamon ».
Ces dispositifs ont pour but de remettre en activité des personnes sans emploi, par la résolution totale ou partielle de certaines de leurs difficultés sociales, et la transmission des connaissances nécessaires à l’occupation d’un poste de travail. Ils sont devenus des acteurs de premier plan dans la politique publique de l’emploi. La publication de la Loi relative à l’ESS en 2014 reconnait à ce secteur la fonction de création de richesse et d’emplois, au sein duquel les ACI sont pleinement intégrés.
L’épicerie solidaire de La Beaucaire
Thérèse Faivre, directrice de l’association Amitiés Cité, nous explique comment fonctionne l’épicerie solidaire située dans le quartier de la Beaucaire, à Toulon Ouest. Créée en 2009, l’épicerie est le seul chantier d’insertion de cette nature dans le Var. C’est aussi le plus petit par sa taille car elle fait travailler 4 à 5 salariés en CDDI : contrat à durée déterminée d’insertion. Ceux-ci travaillent 20H par semaine et occupent des postes de « vendeurs en épicerie ». Ils participent à la collecte et à l’approvisionnement des produits, et contribuent aux ventes réalisées dans les boutiques de l’association : des vêtements et produits divers donnés, soit par des particuliers, soit par des entreprises. Ces ventes accessibles à tous contribuent aux ressources financières nécessaires au fonctionnement de l’épicerie, et ce pour un peu plus de 10 % d’autofinancement.
Le principe de l’épicerie solidaire est d’accueillir des familles orientées par un travailleur social, car elles rencontrent une difficulté financière passagère. Il s’agit de soutenir la famille pour qu’elle ne se retrouve pas dans une situation de plus grande précarité. En achetant les produits 10 à 30% du prix marchand habituel, les familles font une économie sur leurs dépenses alimentaires. Et cette économie réalisée doit permettre de servir un projet : par exemple combler un découvert, payer une facture, rembourser une dette de loyer etc.
Les familles bénéficient pendant 4 mois en moyenne des tarifs proposés par l’épicerie solidaire. Pendant cette période, elles sont accompagnées par une Conseillère en Economie Sociale et Familiale (CESF), qui travaille avec elles sur leur gestion budgétaire et leurs conditions de vie. L’accompagnement proposé est individuel mais aussi collectif. Des animations sont organisées telles que : « cuisiner équilibré à petit budget », « réaliser des économies d’énergie », « le fonctionnement des assurances »… Certaines d’entre elles sont organisées avec des partenaires tels que : Finance et pédagogie, Axis, Ecrin de vie…
L’épicerie solidaire développée par Amitiés Cité accompagne quelque 110 familles par an, soit 300 personnes. Elle est ouverte le : mercredi de 13h30 à 17h, jeudi toute la journée et vendredi matin de 9h à 12h. Au vu de sa réussite et de son utilité sociale, une antenne a été ouverte dans le quartier du Jonquet, à l’Arche des Moulins, depuis le 18 décembre 2015. Une extension sur La Seyne-sur-Mer est en étude, en lien avec le Conseil Départemental du Var (via l’unité territoriale sociale de la Seyne), et la mairie de la ville.
Les ACI sont sous la tutelle de la Direccte
Le financement des ACI est assuré par la Direccte Paca (la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), qui dépend du Ministère du Travail, donc de l’Etat. La Direccte conventionne les ACI pour un certain nombre d’Equivalent Temps Plein (ETP) par mois. Elle comptabilise les sorties du dispositif. En fonction du nombre de sorties dites « positives » ou « dynamiques » (retour à l’emploi notamment), des salariés en insertion, elle augmente ou diminue son aide financière.
Par ailleurs, c’est Pôle Emploi qui délivre un agrément au salarié pour lui permettre de bénéficier d’un parcours d’insertion par l‘activité économique. La durée maximum du parcours d’insertion est de 24 mois (4 CDDI de 6 mois renouvelables). Et il peut être effectué dans différentes structures. Ainsi, il y a des passerelles entre les Ateliers et Chantiers d’Insertion (ACI), les Entreprises d’Insertion (EI), et les Entreprises de Travail Temporaire d’Insertion (ETTI). La durée moyenne du parcours d’insertion en structure est d’1 an.
Pendant le parcours d’insertion, les salariés sont accompagnés en vue de favoriser leur retour vers l’emploi. Il s’agit principalement de les aider à lever les freins à l’embauche. Ainsi, une psychologue et conseillère socioprofessionnelle, Maud Chauvet, accompagne chaque salarié des 2 ACI du réseau de l’UDV. Elle les rencontre tous les 15 jours. Vous retrouverez son témoignage en fin d’article.
La directrice Thérèse Faivre est fière de citer 2 exemples de « parcours réussi ». « Récemment, nous avons eu en parcours d’insertion un jeune de 25 ans qui, à son arrivée, avait une idée assez vague d’un travail auprès des personnes. Il a ensuite travaillé son projet pendant son parcours d’insertion. Puis il a décidé de passer le concours pour suivre une formation de moniteur éducateur. Il a suivi une remise à niveau à l’Ifape, a passé le concours et il l’a réussi ! Il est aujourd’hui en formation de moniteur éducateur ! ».
Deuxième exemple : « une mère de 4 enfants âgée de 38 ans, avait une expérience dans la grande distribution, mais elle ne pouvait plus faire ce travail. Pendant son parcours d’insertion elle a fait une VAE qui lui a permis d’obtenir un BEP et un bac pro vente. Elle a ensuite été embauchée en CDI dans une boulangerie ! »
La Ronde des meubles
Cette fois-ci, c’est Tim Rawls, directeur de l’association Logivar St Louis, qui nous explique la nature de l’ACI la « Ronde des meubles ». Il a été créé en 2008. Au départ, l’action était mutualisée avec Alinea, une association basée dans le centre-ville de Toulon, et qui disposait d’un Chantier d’Insertion « déménagement ». Lorsque l’action s’est arrêtée, 6 salariés en insertion ont été agréés au sein de la ronde des meubles.
Comme son nom l’indique, l’ACI consiste à « relooker » des meubles en bois noble. L’objectif est de leur redonner une seconde vie, en en modifiant l’aspect ou l’usage. Les meubles sont récupérés via des dons de particuliers. L’atelier est à l’association Logivar St Louis, rue Suzanne à Toulon, tandis que le lieu de stockage est mis à disposition par la Marine Nationale dans le quartier des Pins d’Alep. Une fois réhabilités et embellis, les meubles sont ensuite revendus dans différents lieux : l’association Aviso, les magasins de Var Azur Linge, la ressourcerie La Courtoise à St Maximin, ou bien directement auprès des particuliers, et sur internet
Cliquez sur l’image pour voir toutes les réalisations de la ronde des meubles :
Pour donner une idée de l’ampleur du travail réalisé par les 6 salariés en insertion et Stefano, l’encadrant technique qui les guide dans leur activité : 120 meubles ont été rénovés sur 10 mois depuis le début de l’année ! Et les ventes contribuent à hauteur de 6% du chiffre d’affaires global du chantier d’insertion, ce qui assure une part d’autofinancement. Et ce chiffre est en augmentation d’année en année. « Le projet de Ressourcerie de la rade, actuellement développé au sein des locaux d’Aviso, rue Danton à Toulon Est, permettrait de booster les ventes de meubles », analyse Tim Rawls. Enfin, la ronde des meubles a le projet d’ouvrir un atelier destiné aux particuliers le samedi matin. L’idée serait de les initier à la rénovation de meubles, avec la présence de salariés du chantier d’insertion.
« Un support pour la valorisation des personnes »
Nous avons tenu à connaître le regard que pose Maud Chauvet, la psychologue et conseillère socioprofessionnelle qui accompagne les salariés en insertion sur ce dispositif. Elle intervient depuis 3 ans à la Ronde des meubles et depuis 1 an et demi à l’épicerie.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre travail ?
« Dès leur entrée dans le dispositif, je m’occupe de l’accueil et de l’intégration des salariés des chantiers d’insertion des 2 associations Logivar St Louis et Amitiés Cité, et ce en lien avec les encadrants techniques qui sont sur le terrain. Puis, tout au long de leur parcours d’insertion, je conduis un diagnostic et réalise des bilans et points d’étapes réguliers avec chaque salarié. Il s’agit de voir et de définir avec eux les étapes nécessaires à la réalisation de leur projet : retrouver un emploi, suivre une formation, préparer un départ en retraite, stabiliser une situation financière personnelle ou familiale etc. »
Y-a-t-il une spécificité à accompagner les salariés en insertion ?
« Oui, il s’agit de les accompagner dans le changement. Il peut s’agir d’une aide à l’orientation ou à la réorientation professionnelle, ou d’un soutien pour les accompagner à mener un projet. Plus largement, il s’agit d’œuvrer avec eux en faveur d’une action socioprofessionnelle globale : il faut agir sur les 2 axes, personnel et professionnel. De plus, j’interviens sur 2 petits chantiers qui ont un effectif total de 10 salariés en insertion. Ainsi, je peux réaliser un accompagnement certes global, mais aussi sur-mesure. Par ailleurs, le travail partenarial avec différentes structures, tels que Pole Emploi, le Cedis, la Mission Locale ou les organismes de formation, est très important ».
Selon vous, les ACI sont-ils un outil efficace de retour à l’emploi ?
« Les ateliers et chantiers d’insertion sont un support qui permet la revalorisation des personnes impliquées dans le dispositif. Ils permettent de valoriser le salarié dans ce qu’il réalise via une activité concrète. Par exemple, à la ronde des meubles, l’action réalisée apparaît de façon très concrète : le changement est visible sur le meuble entre son arrivée et sa vente, grâce au relooking. Les salariés sont fiers de dire « j’ai fait tel et tel meuble ! » Les ACI permettent aussi la restructuration et resocialisation de la personne qui était éloignée de l’emploi, à travers le réapprentissage de gestes tels que : se lever le matin, avoir une journée de travail, discuter avec les collègues etc. Pour résumer, les ACI concourent à reconstruire et rétablir les personnes, ils permettent aux salariés d’être acteurs de leur parcours d’insertion. Je pense à ce Monsieur originaire de Tunisie, peintre de formation, qui n’arrivait pas à trouver de travail. Au cours de son parcours, il a souhaité devenir agent de nettoyage. Après un travail en partenariat avec Pole emploi, il a réalisé un stage au sein d’une société de nettoyage à la gare de Toulon. Depuis cette même société fait régulièrement appel à lui pour des remplacements, et je crois que cela devrait déboucher sur un emploi pérenne ».
– Quel regard portez-vous sur les salariés en parcours d’insertion ?
« Bien souvent, ce sont des difficultés personnelles ou sociales qui viennent freiner le retour à l’emploi, plus qu’un manque d’aptitudes au travail. Ces personnes ont été touchées par des ruptures ou des histoires familiales difficiles.. Les personnes que j’accompagne ont toutes des compétences techniques et des aptitudes à travailler, mais les freins personnels sont les plus délicats à résoudre ; Bien plus difficiles que la capacité à travailler. Accompagner ces personnes nécessite beaucoup d’écoute, une grande capacité d’adaptation aux personnes et aux situations, et beaucoup d’empathie. Il faut mettre en œuvre de bonnes capacités relationnelles pour pouvoir communiquer avec les personnes et les partenaires. C’est un travail délicat, mais je suis tellement heureuse de voir que des personnes transforment l’essai de l’insertion en menant à bien leur projet ! »
La plupart des ACI du Var sont regroupés au sein du Collectif Unis 83, qui rassemble 17 ACI. L’ensemble représente 637 salariés en parcours d’insertion, et 133 salariés permanents qui les encadrent. Ces ACI sont répartis en 7 grands secteurs d’activité : espaces verts et naturels, repassage et couture, numérique, recyclage et valorisation, second œuvre et restauration du patrimoine, propreté, et épicerie solidaire. Mardi 29 novembre, ce collectif a organisé son 2ème colloque, intitulé « Travailler autrement ». L’objectif de cette rencontre était de créer des passerelles entre les salariés en insertion et les entreprises, à des fins de décloisonnement. Pour les organisateurs, il s’agissait d’établir des liens avec les Entreprises d’Insertion (EI), telle que Envie Var par exemple), mais aussi avec des entreprises classiques. Ils souhaitent en effet se faire mieux connaître auprès des employeurs et des DRH.
Par Christophe Parel, responsable communication de l’UDV