« Avoir du mal à lire ne veut pas dire qu’on est bête »
Lire une carte, écrire un chèque, parler en public… autant de handicaps pour une personne illettrée
06% : c’est la part de personnes illettrées dans la région, chez les 16-25 ans. Anciennement scolarisées, elles ont aujourd’hui du mal à lire une recette de cuisine, consulter un plan de transport, répondre aux courriers administratifs, parler en public… Que faire face à ce handicap méconnu et pourtant répandu ? Eléments de réponse avec Laurence Buffet, directrice du Centre Ressources Illettrisme (CRI).
Une personne de mon entourage souffre d’illettrisme…
Que puis-je faire pour l’aider ?
« D’abord, réaliser que ça existe. Sans le savoir, vous côtoyez des gens illettrés. Beaucoup le cachent et le camouflent, par honte. Je connais une femme qui a des difficultés à écrire. En 20 ans de mariage, elle n’en a jamais parlé à son mari… et lui ne se doutait de rien ! Ces personnes ont souvent rencontré un parcours douloureux. Or, pour assimiler la lecture et l’écriture, il faut avoir un cerveau disponible. Ensuite, la honte s’installe. Une honte entretenue par la vision idéale d’une société lettrée. Mais attention, avoir du mal à lire, à écrire, ne veut pas dire qu’on est bête. Au contraire, pouvoir en parler, de façon bienveillante et empathique, peut libérer et rétablir la confiance. »
Puis-je moi-même lui réapprendre les premiers savoirs ?
« Prudence ! Ne vous improvisez pas formateur. Tout le monde n’a pas le bagage pour accompagner une personne illettrée, souvent confrontée à des difficultés psychologiques. Maîtriser le Français ne garantit pas forcément être apte à l’enseigner. On peut même faire plus de dégâts. Encouragez davantage cette personne, pour qu’elle choisisse de réapprendre à lire et à écrire. Soutenez-la et accompagnez-la vers des structures adaptées.
Vers quelles structures l’orienter ?
« Ça dépend des cas. Si la personne illettrée a moins de 25 ans, vous pouvez l’accompagner à la mission locale. Si elle a plus de 25 ans, vers le CRI, dont la mission est de conseiller et d’orienter vers des organismes de formation. Enfin, si elle est salariée, c’est à l’employeur de la prendre en charge. Mais a-t-elle envie de lui parler de ses difficultés, au risque d’être licenciée ? Sachez que toute personne n’ayant pas le socle de connaissances en situation professionnelle est en droit d’accéder à une formation, sans même l’accord de l’employeur. Reste à le sensibiliser. Cette année, le CRI propose justement son aide pour prendre plus en compte l’illettrisme au travail. »
Reprendre une formation n’est pas franchement motivant…
« Ce n’est plus l’école. Finies les dictées et les notes. Adieu le modèle de l’amphithéâtre, où un professeur transmet son savoir à ses élèves. Non, la pédagogie repose sur la collaboration. Le savoir se construit en interaction. L’accompagnement s’adapte à l’apprenant. Le dialogue est permanent. Plus de manuels scolaires : les supports donnent envie, les exercices suscitent l’intérêt. Les cours de Français aux oubliettes : c’est plus engageant, par exemple, de réapprendre à écrire en composant un scénario de court-métrage qu’on réalise ensuite. La priorité des formateurs ? Aider à reprendre confiance en ses capacités d’apprentissage : vous êtes capable de le faire ! Pour y arriver, il faut casser les représentations scolaires, synonymes d’échec. »
Plus d’infos : www.illettrisme.org ou au 04 91 08 49 89 (standard du CRI)
Émission de RCF Méditerranée sur l’illettrisme : http://rcf.fr/actualite/social/lillettrisme-mysterieux-handicap-en-lettres-capitales
La lutte contre l’illettrisme concerne des personnes qui, après avoir été scolarisées dans leur pays d’origine, n’y ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture et du calcul. Des compétences de base qui rendent autonome dans des situations courantes : écrire une liste de course, lire une notice de médicament ou une consigne de sécurité, rédiger un chèque ou un CV, utiliser un appareil, lire le carnet scolaire de son enfant…
Attention à ne pas confondre la lutte contre l’illettrisme et l’alphabétisation ainsi que l’apprentissage du Français langue étrangère (FLE). L’alphabétisation s’adresse à des personnes n’ayant jamais appris à lire ni à écrire. L’apprentissage du FLE, aux migrants ne parlant pas la langue de leur pays d’accueil.