Les actions « prison » du réseau UDV
L’univers carcéral nous effraie et aucun d’entre nous ne souhaiterait s’y retrouver. C’est aussi un univers inconnu pour le commun des mortels : « moins on en sait mieux on se porte » diraient certains. Pourtant, ce lieu de souffrance et de privation de liberté a besoin d’humanité. C’est ce que s’efforcent de mettre en œuvre 2 associations membres de l’UDV : Les Amis de l’Horeb et Dracénie Solidarités.
Au Centre pénitentiaire de La Farlède : présence des Amis de l’Horeb
« Une longue peine, comment ça se raconte ? C’est étrange ce mot qui signifie punition et chagrin en même temps ». Après l’ombre, film sorti en mars dernier raconte la prison et la façon dont elle grave dans les êtres des marques indélébiles et invisibles. Déjà, en 2008, la réalisatrice Stéphane Mercurio avait posé sa caméra dans le monde carcéral pour un « A côté… » qui se penchait sur les familles de détenus.
C’est sur ce sujet qu’a débuté notre conversation récente avec Thérèse Dumond, Présidente des Amis de l’Horeb. Elle exprimait combien elle avait été surprise de voir autant de monde au cinéma Le Royal, à Toulon, pour la projection de ce film à la fois très sobre et très beau : environ 135 personnes qui ont ensuite manifesté beaucoup d’intérêt lors du débat qui s’est ensuivi.
Thérèse Dumond est une présidente qui pratique la collégialité au sein de l’association. Elle aime le travail en équipe et les décisions partagées par des personnes qui, de ce fait, se sentent vraiment concernées par le service qu’elles accomplissent. Un service qui est tout entier voué à la dignité humaine, un service qui ne juge jamais et condamne encore moins.
Elle dit avec enthousiasme « Toulon c’est ma base ! » et pour évoquer ces années passionnantes déjà offertes à l’univers si rude de la vie carcérale et de ses corollaires, elle trouve les mots justes : maintien des liens familiaux, réinsertion, dignité, contacts positifs avec l’administration pénitentiaire, discours commun, humanité à travers la nécessité de règlements impératifs…
Le Centre pénitentiaire de La Farlède est un établissement parmi les plus récents, bien équipé (douche dans toutes les cellules par exemple) d’où la surpopulation a peu à peu disparu. Une équipe particulièrement efficace prend en compte chacun pour que ses chances de réinsertion soient réelles, tant au sein d’une famille retrouvée après un temps plus ou moins long, que parmi des collègues de travail ou les gens du quartier.
Le samedi 8 et le mercredi 12 décembre, on a fêté Noël dans la grande salle d’accueil des familles. Ce mot de « fête » y a d’ailleurs une résonance singulière car les familles qui viennent rendre visite à l’un des leurs n’ont guère envie de faire la fête ; Elles vivent comme lui la punition et le chagrin, double peine dévastatrice.
Quelle peut être alors leur attente et comment y répondre sans ajouter encore aux blessures ?
Tenir n’est pas facile
Les bénévoles des Amis de l’Horeb ont préparé des ateliers pour les enfants : ateliers bulles, maquillages, et l’on a partagé un repas dans la grande salle bien décorée. De 11h à 17h, les groupes se sont succédés. Il y a parfois 150 personnes par jour tandis qu’un parloir dure 45 mn. Il faut gérer l’attente des uns, le retour des autres, dans le calme, quel que soit l’état moral dans lequel sont les visiteurs. Les bénévoles sont bouleversé par ces rencontres, on ne peut pas rester indifférent et on n’en sort pas indemne. Tenir n’est pas facile…
L’association ne mène pas d’action spécifique ; il y a toujours les ateliers pour les enfants.
C’est un énorme travail que l’accueil et l’écoute de tout ce qui se vit autour de cet univers si particulier et dont à l’extérieur nous n’avons pas idée : ce qui gravite autour de la prison, la vie des familles, parents, épouses, frères et sœurs, enfants, les difficultés matérielles générées par la situation… rien que les voyages pour venir en visite relèvent souvent du parcours du combattant, tant par le coût que par le temps passé dans les transports.
Alors, les Amis de l’Horeb se font traits d’union, avec modestie, simplicité et don de tout ce que leur cœur peut offrir.
« Noël est la célébration de l’inédit de Dieu, ou mieux encore, d’un Dieu inédit qui renverse nos logiques et nos attentes. Et vivre Noël, c’est se laisser bousculer par ses surprenantes nouveautés… Faisons-nous proches de celui qui est seul, du pauvre, pour trouver à la suite des bergers, la lumière dans la pauvre grotte de Bethléem ! » – Pape François, audience du mercredi 19 décembre.
Avec ces mots, tout est dit en ce qui concerne celles et ceux qui se donnent pour but de faire un bout de chemin avec des personnes dont la vie a basculé un jour dans une détresse sans fond.
A la Maison d’arrêt de Draguignan : présence de Dracénie Solidarités
Aurélie Lucquiaud, coordinatrice de l’association, nous explique les missions de Dracénie Solidarités, et notamment celle développée en lien avec la Maison d’arrêt.
Peux-tu te présenter, nous dire d’où tu viens et ce que tu fais à Dracénie Solidarités ?
« Je suis arrivée dans l’association début septembre pour succéder à Servanne Déchaux, en tant que coordonnatrice en charge de gérer l’équipe de 5 salariés, sur la partie opérationnelle et le quotidien. J’ai également pour mission de faire un état des lieux des actions menées par l’association. Avant cette prise de poste, j’ai effectué une mission pour Forum Réfugiés au moment du transfert du Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA) de l’Est Var.
Avant d’arriver dans le Var, j’ai travaillé à Lyon pour une Centrale de référencement en charge des appels d’offre dans le champ de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Sinon je me suis formée à Bioforce où j’ai suivi une spécialisation « Management et gestion des bâtis, et logistique humanitaire ». Côté vie personnelle, je suis mariée et maman d’une petite fille de 6 ans.
Peux-tu nous expliquer quelles sont les actions menées par Dracénie Solidarités ?
L’association met en œuvre 5 types d’actions :
Une action épicerie solidaire avec l’épicerie La Musette et l’épicerie itinérante. L’objectif est d’accompagner les personnes en difficulté financière ou isolées socialement pour qu’elles retrouvent un lien et une envie de vivre avec les autres via des ateliers notamment. Toutes les personnes accueillies ont un projet construit tel que par exemple rembourser une dette, se relever d’un impayé, partir en vacances avec leurs enfants…
Elles paient 10 à 20 % du prix réel des produits ce qui leur permet d’économiser pour mener à bien leur projet. On recense environ 35 personnes en file d’active dans chacune des deux épiceries. Celles-ci se répartissent en 4 pôles : l’épicerie de Draguignan et l’épicerie itinérante à Callas, Le Muy et Vidauban.
Un jardin d’insertion au Muy compte environ 15 parcelles destinées à un public en précarité. Via le jardinage, celles-ci retrouvent l’autonomie, mangent mieux, bénéficient d’une activité thérapeutique ainsi que de la sociabilité et des liens qui se tissent entre les jardiniers. Un animateur jardinier est présent sur place et intervient aux côtés d’une Conseillère en Economie Sociale et Familiale (CESF), qui assure le suivi social à l’épicerie et au jardin.
Des cours d’alphabétisation pour adultes sont proposés au Muy : 2 ateliers de 2h/semaine rassemblent environ 20 participants.
Enfin, nous portons également l’animation de l’Accueil familles (AFA) à la Maison d’Arrêt pour hommes de Draguignan.
Peux-tu nous décrire les actions menées au sein de cet accueil familles ?
Il y a quelques années, Dracénie Solidarités avait initié le projet d’animation de l’accueil famille de l’ancienne prison de Draguignan, dont l’activité s’était arrêtée en juin 2010 à la suite de fortes inondations. En début d’année, d’anciens bénévoles de l’association se sont remobilisés avec l’ouverture de la nouvelle Maison d’Arrêt de Draguignan, et l’accueil des familles a pu reprendre au mois de mars.
Concrètement, l’Administration Pénitentiaire nous met un local à disposition, situé juste en face de la prison. Nous le partageons avec IDEX Energies – GAIA, un prestataire privé qui s’occupe de la gestion des parloirs. Notre équipe composée d’une quinzaine de bénévoles est présente les mercredis et samedis toute la journée : c’est le moment de la semaine où il y a le plus de monde à accueillir.
L’objectif de cette action est d’être présent juste avant les parloirs pour accueillir les familles (adultes et enfants) qui viennent visiter un proche détenu, les renseigner, être à leur écoute car ce n’est pas évident de visiter un proche en détention… Les bénévoles impliqués dans cette action constatent combien il est important d’être présents auprès des familles qui se retrouvent esseulées et parfois démunies à Draguignan : il est essentiel qu’elles se sentent accueillies !
Peux-tu nous donner quelques chiffres de fréquentation ?
La Maison d’Arrêt a une capacité d’accueil d’environ 500 détenus. D’après l’Administration Pénitentiaire, 80% d’entre eux viennent de l’ancienne prison des Baumettes, à Marseille. Ainsi, de nombreuses familles qui viennent visiter un proche se déplacent en train depuis Marseille ; Or un de nos objectifs 2019 est d’évaluer les solutions de transport en commun, qui ne sont pas toujours adéquates.
Quelque 330 personnes fréquentent l’Accueil Familles pendant la semaine entre le mercredi et le dimanche, soit une moyenne d’environ 70 personnes par jour. Lorsque nous ne sommes pas présents, c’est la société IDEX Energies – GAIA qui assure l’accueil des familles les jeudis, vendredis et dimanches. »
Témoignage d’un bénévole impliqué
A la suite de cette interview, nous avons contacté un bénévole impliqué dans cette action pour recueillir son témoignage. Nous avons ainsi échangé avec Robert Bordin, référent de l’Accueil Familles au Conseil d’Administration de Dracénie Solidarités.
« Je suis bénévole depuis plusieurs années, j’ai notamment été engagé au Samu Social avec qui j’ai effectué des maraudes, à la Croix Rouge, à St Vincent de Paul, etc. Maintenant que je suis à la retraite j’ai plus de temps, et avec ma femme nous sommes engagés au sein de l’Accueil Familles à la Maison d’Arrêt de Draguignan.
Avec une quinzaine d’autres bénévoles, nous nous relayons pour être présents à l’accueil le mercredi et samedi toute la journée. Généralement 1 bénévole est présent le matin et 2 l’après-midi car c’est le moment où il y a le plus d’enfants, surtout le mercredi.
Notre mission est assez simple : être présent aux personnes qui viennent visiter un proche détenu, et leur offrir une écoute bienveillante, sans jugements ou questions intrusives.
Nous offrons des boissons ou des friandises à celles et ceux qui le désirent. A l’approche de Noël, on a installé un sapin et décoré la salle d’accueil pour l’occasion.
Les locaux mis à la disposition des familles par l’Administration Pénitentiaire sont plutôt agréables : ils se composent d’une grande salle d’accueil, d’une salle de jeu pour les enfants, d’un coin cuisine où on peut préparer thé et café, d’un bureau destiné à l’équipe, etc. Nous disposons d’un cahier de liaison permettant de transmettre les informations. Un livre d’or est complété par les visiteurs et on peut y lire de belles choses.
On sent que les familles sont réconfortées de pouvoir être accueillies et nous rencontrer, nous recueillons de nombreuses confidences et il n’y a pas que des choses tristes ! De ce que nous constatons, l’administration et les surveillants de la Maison d’Arrêt font preuve d’humanité et de souplesse.
De nombreuses actions et activités sont proposées dans la prison : présence de la médiathèque municipale, une association qui prête des livres et remet des fiches de lecture aux détenus, des ateliers peinture, graffiti, la présence d’aumôniers, etc. Tout semble fait pour rendre la prison la plus humaine possible !
On nous propose régulièrement des formations destinées aux bénévoles qui sont animées par l’UFRAMA (Union Nationale des Fédérations Régionales des Associations de maisons d’accueil des familles et proches de personnes incarcérées) et l’Administration Pénitentiaire. Celles-ci nous permettent d’améliorer l’accueil, de mieux comprendre le fonctionnement de l’administration et d’approfondir des thèmes tels que la laïcité, la radicalisation, l’écoute, la violence…
Le message que je souhaite faire passer est aussi qu’on voudrait bien recruter davantage de bénévoles car les visites au parloir ont lieu du mercredi matin au dimanche soir et nous ne sommes pas assez nombreux pour être présents les jeudis, vendredis et dimanches.
Dans un premier temps, l’idéal serait de pouvoir être présents le dimanche, jour où il y a aussi beaucoup de personnes qui viennent visiter leur proche incarcéré.
Alors n’hésitez pas à nous rejoindre ! ».
Aline Racheboeuf, auteure bénévole pour IOTA et Christophe Parel, responsable de la communication de l’UDV.
Contacts :
Les Amis de l’Horeb
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Dracénie Solidarités
[email protected]
Pour aller + loin : consultez notre article publié en septembre 2016