Rencontre avec Patrick Boittin, directeur de SenDRA GES
SenDRA GES est un groupement économique solidaire qui rassemble des associations et structures indépendantes à but non lucratif, réparties sur l’ensemble du département du Var. Elles œuvrent pour l’insertion des personnes en difficulté dans leur recherche d’emploi, le développement du logement social et la mise en place de services de qualité aux personnes fragilisées. Le directeur, Patrick Boittin, nous explique son fonctionnement.
Pouvez-vous nous dire ce qu’est SenDRA GES ?
« C’est un groupement d’économie solidaire qui regroupe une dizaine d’associations sur l’ensemble du Var, et qui est apparu il y a bientôt 30 ans. Nous disposons de 10 antennes réparties dans le département : Draguignan, Fréjus, Le Luc, Le Muy, Lorgues, Montauroux, Ste Maxime, St Maximin, Hyères et Toulon. Nous mutualisons des outils qui œuvrent dans 3 domaines : l’insertion des personnes en difficulté dans leur recherche d’emploi, le développement du logement social, et la mise en place de services de qualité à la personne. Nos principaux partenaires sont : le Conseil Départemental, le Conseil Régional et l’Etat. »
Comment cette structure a-t-elle été créée ?
« SenDRA GES est né il y a précisément 27 ans à Draguignan et il est issu de la société civile. Il a été créé par un petit groupe de bénévoles qui avaient décidé de lutter contre le chômage, à une époque où le chômage était devenu massif. Pour l’anecdote, c’est Philippe Séguin, qui fut étudiant à Draguignan et professeur d’Histoire Géographie, qui est à l’origine de la circulaire qui a permis la création de la première structure du groupe. Il s’agissait d’une Association Intermédiaire (AI). Aujourd’hui il en existe plusieurs centaines en France, dont une au sein de notre groupement d’économie solidaire. »
Vous êtes donc un acteur de 1er plan en matière d’économie solidaire dans le Var ?
« En effet, notre taille est conséquente puisque nous regroupons 1200 salariés, soit autant que l’Hôpital de Draguignan ! La moitié d’entre-eux sont des salariés en difficulté sociale. Nous recevons et accueillons entre 1500 et 2000 demandeurs d’emploi chaque année. Et nous sommes heureux de comptabiliser quelque 300 sorties positives par an : ce sont autant de personnes qui retrouvent le chemin de l’emploi. »
Quelle est la particularité d’un Groupement d’Economie Solidaire (GES) ?
« Notre GES est issu de la Loi sur le RSA de 2008, dont Martin Hirsch est à l’origine. SenDRA est un groupement non lucratif, composé de structures qui ont des statuts différents. Par exemple, certaines sont fiscalisées et d’autres pas. Nous possédons une branche insertion, employant des salariés en difficulté sociale, une Association Intermédiaire, une Entreprise de Travail Temporaire d’Insertion (ETTI), et une entreprise de travail temporaire de l’ESS. Nous comptons aussi un organisme de formation. Quant à notre financement, chaque structure membre du groupement assure son propre équilibre financier, et nous essayons de ne pas trop dépendre des finances publiques. »
Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets de vos activités ?
« Oui bien sûr ! Au niveau des services que nous proposons, nous avons par exemple un service de tutelle, la mise à disposition d’auxiliaires de vie, un service de soins infirmiers à domicile, des équipes spécialisées Alzheimer etc. Concernant notre axe logement social, nous aménageons des logements réhabilités à partir de logements insalubres, et les travaux sont menés par des salariés en difficultés sociales dans le cadre de « chantiers extérieurs justice » ou des « chantiers de réhabilitation du patrimoine ». Nous achetons régulièrement des ruines que nous réhabilitons pour créer du logement social avec un partenaire du type bailleur social. Au-delà du logement social, nous proposons des prestations pour la restauration du patrimoine et du bâti, l’entretien et l’aménagement des espaces verts, l’entretien de la forêt et la lutte contre les incendies grâce à l’emploi de détenus en fin de peine etc. »
Quels sont vos liens avec les associations membres et les partenaires de l’UDV ?
« Nous entretenons de nombreuses relations avec une dizaine d’associations membres du réseau de l’UDV. Nous réalisons des chantiers pour certaines, nous mettons des salariés en difficulté sociale à disposition pour d’autres… Pour vous citer quelques exemples de collaboration, nous œuvrons en faveur du logement social avec l’association Solidarités Est Var (SEV). Nous mettons à disposition des appartements que nous avons choisis ensemble après les avoir réhabilités par le travail de nos salariés. Ensuite, en lien avec le Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA), ces logements accueillent des familles qui demandent l’asile. Autre exemple, toujours avec SEV, nous leur mettons à disposition du personnel, comme des agents multifonctions type factotum. Nous sommes en capacité de mettre à disposition des petits chantiers mobiles et très réactifs. Nous collaborons aussi avec le service de maraudes mis en œuvre par Les Amis de Paola, ou avec Epafa dans le quartier sensible de La Gabelle à Fréjus. Par ailleurs, nous avons le projet de participer à la mise en œuvre du chantier d’Eco Hameau Solidaire St François à Draguignan. Du côté des associations partenaires : à Hyères, nous avons réalisé les travaux du CADA, en lien avec l’association En Chemin, et ce toujours avec nos salariés. A Toulon, les locaux des Pompes Funèbres Catholiques (PFC) ont aussi été réhabilités par les salariés de notre branche insertion. »
Quel regard portez-vous sur la récente Loi sur l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) votée en 2014 ?
« La Loi Hamon de 2014 est importante à double titre : elle a permis de faire reconnaître l’ESS à sa juste valeur, et elle encourage par ailleurs un changement d’échelle. »
Comment voyez-vous les années à venir ?
« Notre GES est assez bien armé pour que nous poursuivions notre développement, qui actuellement croît de 10% chaque année. Mais on aimerait bien sûr faire encore plus ! Un des grands challenges des années futures est le vieillissement de la population qui va générer une forte demande de logement social. Les analyses révèlent qu’il va manquer 300 000 places en maison de retraite ! Or, parmi ces 300 000 personnes, les 2/3 n’auront pas les moyens de s’offrir une place dans une maison de retraite… Il faut donc imaginer de nouveaux modes d’habitat pour parer à cette urgence sociale et sociétale. Ainsi, on réfléchit à la colocation et au développement de familles d’accueil pour seniors. Il y en a officiellement 13 aujourd’hui dans le Var, mais en réalité on en compte plusieurs centaines dans l’informel… Il y a aussi le projet de petites structures permettant d’accueillir 5 personnes, telles que les familles gouvernantes, proches de la pension de famille. Nous suivons aussi attentivement la reconversion des villages vacances qui progressivement sont ouverts pendant toute l’année. Enfin, nous réfléchissons au projet de « rue provençale » dans les villes et villages, permettant de loger des seniors en RDC avec la mise en place de services adaptés. Le cadre financier pour agir sur l’immobilier est favorable car les crédits sont peu chers et les prix de l’immobilier ont baissé dans certaines villes. De plus, la création de structures d’accueil crée des emplois et génère de l’activité économique. Pour conclure, je dirai que notre leitmotiv est de faire du socialement utile, tout en veillant à maintenir un équilibre économique. »
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Propos recueillis par Christophe Parel, responsable communication de l’UDV.