Rencontre avec Hubert LAURENT, directeur du Pôle Hébergement Logement de l’UDV
Hubert Laurent est le nouveau directeur du pôle hébergement logement du réseau de l’Union diaconale du Var. Il est le premier à occuper cette fonction car il s’agit d’une création de poste. Notre rédaction IOTA a tenu à le rencontrer pour vous le présenter. Son parcours est riche comme vous le découvrirez en lisant cet article.
Avant d’arriver dans le Var il y a un an, Hubert, sa femme et leurs 4 filles ont accompli une mission humanitaire de 3 ans à Madagascar avec l’ONG Fidesco. Vous pouvez retrouver le récit de cette mission dans l’encadré en fin d’article.
Avant d’effectuer cette mission, Hubert LAURENT a travaillé 11 ans comme cadre en collectivité territoriale de 2004 à 2015, à Nice et en Vendée. Son dernier poste a été la direction des services d’une mairie de 7500 habitants.
A son retour de Madagascar, après avoir rencontré Gilles Rebêche, Délégué diocésain à la solidarité, Hubert s’est vu confier le Pôle Hébergement Logement de l’UDV, travail qui comporte une dimension technique mais aussi des liens avec les partenaires publics et privés, comme Habitat et Humanisme, la Fondation Abbé Pierre etc.
Où se trouvent actuellement ces lieux de vie ?
- La Maison Saint-Louis, sous égide de Logivar-UDV, située à Toulon, 51 rue Suzanne, dirigée par Brice Huré. Ce Centre d’Hébergement et de Réinsertion sociale (CHRS) accueille 25 hommes seuls et 8 personnes en précarité et en convalescence via les Lits Halte Soins Santé (LHSS).
- La Résidence solidaire Les Favières, également sous égide de Logivar-UDV, située à Toulon, sur la route du Revest, et dont Rémi Carmagnole est le chef de service. C’est une résidence mixte de 38 personnes seules, qui y sont accueillies sans limitation de durée, à laquelle s’ajoute depuis peu un Appartement de Coordination Thérapeutique (ACT) de 4 places.
- La Maison des Frères-UDV, située au cœur du Beausset, dirigée par Arnaud de Truchy. Ce Gite-Auberge solidaire, d’une capacité de 85 places (21 studios et 3 chambres), a pour objectif de conjuguer hôtellerie sociale, tourisme solidaire, maison-relais pour familles, foyer de jeunes professionnels, logement d’urgence et accueil de groupes.
Ici, la réflexion doit se faire plus large sans perdre de vue pour autant les considérations purement humaines. La Maison accueille en ce moment 10 jeunes filles Mineures Non-Accompagnées (MNA), ainsi que des élèves apprentis scolarisés dans un CFA (Centre de Formation des Apprentis) des environs.
Dans chacune de ces maisons, il s’agit de maintenir le lien entre le Conseil d’Administration et tout ce qui touche à l’opérationnel. Il y a là une exigence de cohérence pour que toutes les structures aillent dans le même sens, malgré les différences de vie et d’organisation de chacune, et malgré les différences des personnes qui y sont accueillies.
L’Eco-Hameau solidaire Saint-François de Draguignan – qui sera inauguré le 4 octobre prochain – fait également partie de cet ensemble cohérent, de même que les autres structures et projets du réseau UDV qui entrent dans le champ de l’hébergement et du logement.
Un compagnonnage accueilli / bénévole
Pour Hubert, l’objectif est de mettre le plus vite possible la personne dans un logement et de travailler les continuités d’accompagnement concernant l’emploi, la santé, les droits sociaux.
« Heureusement, dit-il, nous avons des éducateurs formés à naviguer dans les méandres des droits sociaux ! »
Des éducateurs, certes, mais il est indispensable de trouver également des bénévoles, et chacun sait qu’à l’heure actuelle le terme d’engagement fait hésiter beaucoup de gens.
Selon Hubert, l’idéal serait de développer une forme de compagnonnage accueilli/bénévole. Tout en sachant qu’un engagement dans la durée nécessite un minimum de prise de conscience : on ne peut pas demander à un bénévole de donner plus qu’il ne peut, que ce soit en temps ou en compétence…
Lorsqu’une personne se retrouve seule dans un logement, le risque est de la voir perdre en peu de temps tout le bénéfice retiré de son séjour dans une des résidences citées plus haut, des lieux où elle a pu réapprendre à vivre normalement, et où elle s’est sentie comme dans un cocon après les rudesses de la vie à la rue.
C’est là qu’un « compagnon de route » s’avèrerait utile, voire indispensable. Non pas une personne qui inspecte ou donne des conseils, mais quelqu’un qui essaye de marcher avec l’autre, de faire un bout de chemin avec lui, une sorte de « vivre avec » discret, à l’écoute.
Ce bénévole-là arrivera les mains vides, il sera « serviteur ».
Gilles Rebêche, dans son livre paru en 2016, « Sur les chemins du serviteur », en dresse un portrait parfait :
« Cette dimension de patience, de chemin, de temps donné au temps est vitale dans la relation aux plus fragiles et aux plus pauvres. Trop souvent, certains veulent tout savoir sur l’autre, soi-disant pour mieux l’aider : « Qui est-il ? D’où vient-il ? Pourquoi est-il comme ci ou comme ça ? ».
Gilles Rebêche, Sur les chemins du serviteur
Cette compréhension des choses, même si elle peut être utile, peut aussi être stérile. Accueillir l’autre comme quelqu’un d’inédit, de nouveau, sur lequel je ne mettrai pas forcément la main, mais avec qui j’entrerai en dialogue et en confiance pour le laisser naître à lui-même, est un vrai défi.
Le diacre Philippe sur la route de Gaza (chapitre 2) nous l’enseigne par son attitude en « montant dans le char de l’autre ». Trop souvent, nous préférons que ce soit l’autre qui monte dans notre propre char (celui de notre manière de voir les choses, de conduire la vie…) ; nous aimons tenir les rênes ! Au contraire, « monter dans le char de l’autre », c’est consentir précisément à ne pas tenir les rênes de la relation et de la situation. »
Je pense qu’il n’y a rien à ajouter si ce n’est une invitation à tous ceux et toutes celles qui nous font l’amitié de nous lire chaque mois. Quels que soient notre âge et notre situation, pourquoi ne pas essayer d’être « compagnon de route » ? Surprises et émerveillements assurés !
« Vous trouverez toujours la joie si vous cherchez et si vous découvrez le secret d’une grande attitude : celle de serviteur. »
Albert Schweitzer
« Que ton amour soit comme la brume, qui se dépose en douceur sans faire déborder la rivière. » Proverbe malgache
Août 2015. Hubert et Séverine atterrissent à Tananarive (Antananarivo), capitale de Madagascar avec leurs 4 filles. C’est le choix d’un couple qui, venu pour passer deux années dans l’île, y restera 3 ans.
Sitôt arrivés, ils s’installent à Fianarantsoa, ville des hautes terres, « la ville où on apprend le bien », peuplée d’environ 200 000 habitants. Tous les deux ont une mission : ils sont envoyés par FIDESCO, une ONG catholique de solidarité internationale, née de la Communauté de l’Emmanuel à l’appel d’évêques d’Afrique.
On leur demande essentiellement d’être à l’écoute des besoins de la population, de l’aider tout en la respectant ; pour ce faire, il faut bien sûr des compétences, mais aussi un engagement dans la foi. Car il va falloir entrer dans la vie et les projets de l’autre sans lui imposer ses propres projets, ses propres idées.
Tout un programme que celui de rencontrer cet autre dans sa différence et de se reconnaître tous dans une Eglise universelle !
Alors, Séverine va enseigner le français et coordonner le programme EVA, Education à la Vie et à l’Amour, centre de ressource diocésain au profit de toute personne confrontée aux questions d’éducation, de connaissance de soi, d’affectivité, de sexualité…
Pour Hubert, ce sera l’accompagnement et la coordination des projets diocésains en matière de développement (éducation, construction, Caritas…), mais aussi un service de compassion auprès des mineurs de la prison. Une trentaine de garçons à qui il faut redonner confiance en l’avenir, tout en préparant la sortie et la réinsertion.
Profiter de ce temps d’arrêt de leur vie pour en faire une chance pour eux, c’est une mission délicate qui sous-entend accompagnement, écoute, compréhension… compassion : souffrir avec, supporter avec… et en l’écoutant, on sent combien Hubert a été touché par les misères de toutes sortes qu’il a rencontrées ; une expérience qui « colore » maintenant son approche des plus fragiles d’entre nous.
Quant à leurs 4 filles, elles ont pu sans difficulté s’adapter à ce nouvel environnement, et y développer de belles amitiés.
« Mon nom est difficilement prononcé par les autres pays, tout cela parce que je suis Malagasy » (A.Rajaosafara)
(Malagasy : tout ce qui touche à Madagascar)
Une île riche aux multiples pauvretés
Madagascar, colonisée depuis 1895, a obtenu son indépendance en 1960 et s’appelle maintenant République de Madagascar. Le pays est actuellement de plus en plus « délabré » et les vieux malgaches regrettent « le temps d’avant », car la croissance économique est faible et le taux de chômage élevé.
Les inégalités sociales et géographiques sont très marquées : 80% de la population vit en zone rurale, et presque autant se trouve en dessous du seuil de pauvreté. Trois enfants sur 10 parviennent difficilement à terminer leur école primaire, 1 malgache sur 10 ne sait pas lire.
Un exemple des difficultés de la vie : si une école doit être agrandie, les responsables du projet font appel aux familles en leur demandant de participer selon leurs possibilités. Certaines familles ne peuvent fournir que quelques pierres ou quelques planches… Et d’autres préfèrent enlever leur enfant de l’école pour ne rien avoir à donner. L’enfant y retournera quand les travaux seront terminés.
Pourtant, dans cette ile de 1500 km de long et 500 de large, il y a abondance de ressources naturelles : la mer, le minerai (bauxite, zircon, or, argent, pierres précieuses, cuivre, nickel, fer…), les fruits (bananes, vanille, litchi…) et une faune endémique incroyablement riche : grenouilles, serpents, caméléons, crocodiles et une centaine d’espèces de lémuriens, symboles du pays et fleuron du tourisme.
Mais la déforestation fait des ravages en privant beaucoup de ces animaux de leur habitat naturel.
Sur cet immense territoire, il reste encore beaucoup de tabous et de malédictions dont la plus marquante est celle qui pèse sur les jumeaux. Autrefois, ils étaient tués, aujourd’hui ils sont abandonnés et proposés à l’adoption, car il est dit que le malheur s’abat sur leurs parents et leur communauté…
C’est dans ce contexte que Séverine et Hubert LAURENT ont accompli leurs deux années de mission et décidé de prolonger d’une année leur séjour. Ils sont revenus en France pendant l’été 2018.
A noter :
Cette année, à Paray-le-Monial, une Messe d’envoi de 101 volontaires FIDESCO a eu lieu.
Le Pape François doit venir en visite en septembre de cette année, et tous les malgaches, catholiques ou non, s’y préparent.
Aline RACHEBOEUF, auteure bénévole pour IOTA