« Quand je vois tous les fruits que l’UDV a fait mûrir »

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À l’occasion des 40 ans de l’Union Diaconale du Var, qui seront fêtés jeudi 15 juin prochain à la salle Berthoire de Pignans (journée portes ouvertes pour tous de 9h30 à 17h), nous avons souhaité prendre le temps de parler avec Gilles Rebêche, lui qui a fondé l’UDV en 1983, en écho au développement des actions de la diaconie dans le Var voulue par Monseigneur Barthe. Gilles nous éclaire sur la génèse de l’UDV, son rôle dans le développement de la diaconie, sa philosophie…

Gilles, la diaconie fêtait ses 40 ans l’an dernier et cette fois c’est l’Union Diaconale du Var qui fête les siens. Pouvez-vous nous expliquer la subtilité entre les deux ?

La diaconie a été fondée officiellement le 31 mai 1982 par Monseigneur Gilles Barthe. Personne ne savait vraiment ce que c’était au départ. C’était la première en Europe mais Gilles Barthe avait fait une feuille de route en 3 points :
– Que la diaconie ne soit pas du baratin mais des actes.
– Que la diaconie ne soit pas un feu de paille mais s’inscrive dans la durée.
– Que la diaconie reste au service des plus pauvres et ne serve pas la gloriole de certains.

Au départ, nous étions dans une posture diocésaine, c’est-à-dire qu’il fallait mettre en route les paroisses du diocèse de Fréjus-Toulon et il n’était pas envisagé de créer des associations. Mais nous avons été confrontés très vite à la nécessité de besoins matériels et de s’organiser dans la société civile. Nous avons alors créé en 1983 une association loi 1901, qui s’est appelée « Association Cosmédine ». Cosmédine désignant un quartier de Rome où Saint Laurent avait fait la première diaconie au 3ème siècle. Avant de créer Cosmédine, je m’étais appuyé sur 2 structures existantes : l’AVAF (Association Varoise d’Accueil Familial) qui était à l’époque l’outil associatif du Secours Catholique et le CEAS (Centre d’Études et d’Actions Sociales) qui existent encore. Nous avons lancé plusieurs associations comme « Les Amis de Jéricho » à Saint-Jean-du-Var, « L’Arche des Moulins » au Jonquet, « Les Amis de Sénevé » à Cuers,  » La Maison Phanuel » au Luc sans oublier le « CAAA » créé par les Sœurs Blanches dans le centre ville de Toulon. Nous nous sommes donc appuyés sur l’association Cosmédine pour développer de nouvelles actions à travers « l’Union Diaconale Cosmédine ». Les gens nous demandaient sans cesse ce que voulait dire Cosmédine alors nous avons changé le nom pour devenir « Union Diaconale du Var » sans nous rendre compte que cela pouvait créer une confusion de langage avec la diaconie du Var. (Notes de la rédaction : l’Union Diaconale du Var fait partie de la pastorale des solidarités qui est l’une des cinq pastorales du service diocésain de la diaconie ; les 4 autres sont les pastorales de la santé, du deuil, des migrants et des personnes détenues ainsi que leurs familles).

Puis l’UDV s’est développée…

Oui, elle a servi à créer une multitude d’associations. Plus de 70 ! Et des associations qui ont révélé l’UDV comme une pépinière de projets, une sorte de couveuse associative au service du lancement d’initiatives de solidarités. Certaines structures au retentissement national comme la Banque Alimentaire, Unicités, le 115, Culture du Cœur, Les petits frères des pauvres, Forum Réfugiés, Habitat et Humanisme, etc… ont trouvé dans l’UDV  ce terreau pour s’implanter dans le Var.  Nous avons du créer le secrétariat général de l’UDV, aujourd’hui à Saint-Jean-du-Var mais à l’époque à Montéty, pour piloter, animer et coordonner certains de ces projets, quitte parfois à rester simplement un incubateur de ces projets avant de leur donner leur autonomie : FRAT au Pradet, Garrigues à saint-Maximin etc…  L’important, pour Gilles Barthe, était que la diaconie créé une ambiance de fraternité, un élan sur le diocèse et le territoire du Var pour donner la première place aux plus fragiles. Ayant conscience que la société changeait, il souhaitait donner un nouveau visage à la charité. C’est dans ce contexte que nous avons lancé l’accueil de jour des Amis de Jéricho. C’était au début de mon ministère et j’ai constaté, comme d’autres, qu’avec la fermeture des chantiers navals de La Seyne-sur-Mer et la fermeture des mines de bauxites à Brignoles, que des tas de gens étaient à la rue. On les appelait les nouveaux pauvres à l‘époque. L’année suivante, Coluche faisait le buzz avec Les Restos du Cœur (1985) et les médias ont alors inventé le mot « SDF ». Nous-même avons contribué à la mise en route de la Fondation Abbé Pierre avec d’anciens amis de l’Abbé dont André Chaudière qui habitait dans le Var.

Monseigneur Barthe avait donc fait le constat de ce besoin d’aider les plus pauvres qui étaient nombreux à Toulon et dans le département…

Parfaitement ! Et il avait employé cette expression : la diaconie doit-être la tête chercheuse de l’amour fraternel. Il fallait donc détecter les besoins cachés et y apporter une réponse. Ces besoins étaient nombreux et les créations d’associations multiples. Dans ces associations il fallait des salariés qui ne dépendent pas que du diocèse. En effet, certains nous rejoignaient parce qu’ils soutenaient l’esprit de la diaconie sans forcément être catholiques ni même croyants. C’est là que l’outil associatif qu’est l’Union Diaconale du Var nous a également été très utile comme instrument d’ingénierie sociale et plateforme de communion opérationnelle pour des hommes et des femmes de bonne volonté.

Quel regard portez-vous sur l’UDV, 40 ans après ?

Je constate que l’on arrive à un tournant. Certaines de nos associations se sont tellement développées ! Il faut continuer à tenir ensemble la triple vocation d’être le fruit d’initiatives citoyennes solidaires, d’assumer les exigences d’une délégation de service public, notamment en terme de respect des règles de la laïcité tout en poursuivant d’être l’expression concrète de la mise en œuvre de la pensée sociale de l’Église : c’est une alchimie parfois un peu sportive ! L’UDV a répondu à une vraie problématique qui est que l’État et les collectivités locales n’ont pas forcément les moyens de mettre en place des actions sur-mesure, parce que la machine administrative est trop lourde. Nous sommes plus « légers » et plus facilement mobilisables rapidement. Le milieu associatif est un corps intermédiaire capable de faire le lien entre l’État et les actions à mener. Il est une forme de démocratie locale : il n’agit pas à la place de l’État mais avec l’État. Aujourd’hui, avec le développement de l’économie sociale et solidaire ; il y a une chance de pouvoir consolider les actions entreprises mais il y a aussi le risque qu’une forme d’entreprenariat social voit le jour sans tenir compte du côté artisanal et convivial de certaines de nos associations pour qui « small is beautiful ». L’UDV est confrontée à ce tournant de l’économie sociale et solidaire et c’est pour cela que nous avons transformé l’UDV ces 3 dernières années en groupement d’associations en leur demandant d’apposer « UDV » à leurs noms respectifs pour garder cette originalité d’appartenance à l’UDV tout en conservant leurs identités propres. L’UDV est en train de vivre une nouvelle mue liée à l’évolution de la société. Aujourd’hui, on ne fait plus le tour des popottes pour obtenir une subvention. On répond à des appels à projets sur Internet qui mettent en concurrence les associations entre elles. Il me semble qu’il est nécessaire de s’adapter tout en gardant à l’esprit que les associations de proximité font partie de notre histoire. Ce serait dommage de rentrer dans un système où la gestion financière prime sur tout le reste.

Que retenez-vous de toutes ces années ?

Quand Monseigneur Barthe a crée la diaconie il disait : « J’espère que l’on n’en parlera pas un jour en faisant le catalogue des œuvres ». Ce qui me réjouit aujourd’hui, c’est de voir qu’au-delà de ces associations, il y a surtout tous ces gens liés entre eux dans cette même action de soutien aux plus précaires. Beaucoup de bénévoles sont d’anciens responsables de la société civile (anciens fonctionnaires, militaires, travailleurs sociaux, avocats etc…) et ils ne se prennent pas la tête ! Ils agissent concrètement et travaillent de concert avec les salariés et bénévoles de l’UDV qui sont pour la majorité des hommes et des femmes de terrain qui ne supportent pas l’injustice et l’exclusion sociale. Quand je vois tous les fruits que l’UDV a fait mûrir, toutes ces actions et associations qui sont comme des enfants naturels de l’UDV même s’ils n’en reconnaissent plus la filiation, je me dis que ce qui compte, c’est qu’elles existent au service des plus démunis ; ce n’est pas un problème qu’elles fassent ou non partie de l’UDV. Le désir d’aimer et de servir est la volonté de plein de gens : c’est ça l’esprit de la diaconie qui permet de chanter avec le psaume « Que les pauvres m’entendent et soient en fête ».


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