« Une dynamique pour insérer les Roms au long cours »

L’association Romesperance, crée en 2017, intègre la nouvelle antenne sociale toulonnaise de Logivar – UDV, au 88 rue Adolphe Bony.

« Djelem, Djelem lungóne droménsa, maladilém shukare Romensa…”

J’ai voyagé, beaucoup voyagé, j’ai rencontré des Tziganes heureux
J’ai voyagé, beaucoup voyagé, j’ai rencontré des Tziganes heureux
Oh, Tziganes, chers amis ! Oh, Tziganes, chers amis !
Oh, Tziganes, d’où que vous veniez
Vous plantez vos tentes le long des chemins riants… »

Ce chant a été composé en 1969 par un musicien tzigane de Belgrade, Zarko Jovanovic, et a été choisi comme hymne officiel des Roms lors de leur 1er congrès mondial, en Avril 1971, à Londres.
Tziganes, Gitans, Bohémiens, Manouches ou Romanichels ou encore « Gens du voyage », le terme « Rom » a été adopté lors de ce même congrès qui revendiquait le droit légitime de ce peuple à être reconnu en tant que tel. En langue romani, Rom signifie « homme accompli et marié au sein de la communauté ». Depuis cette date également, tous les individus étrangers à cette population sont appelés «gadjo», «les autres», ce qui n’a rien de péjoratif.

De nombreux contes poétiques de la tradition orale circulent sur l’origine des Roms et font partie de leurs traditions. Ils en font des descendants de la divinité hindoue Rama, des mages de Chaldée, des Égyptiens du temps des Pharaons, des fils de la Marie-Madeleine biblique, du Grand Mogol, d’anciennes tribus celtes du temps des Druides, voire des Mayas ou des Incas… Leurs origines exercent depuis toujours une véritable fascination.
Anecdote : dans le « Journal d’un bourgeois de Paris », l’auteur, anonyme, raconte en 1427, qu’une centaine d’hommes, femmes et enfants, se sont présentés à Paris comme pèlerins recommandés par le pape. Autorisés à séjourner à Saint-Denis, ils intriguent les Parisiens par leur apparence et leurs vêtements. Mais une rumeur circule bien vite : leurs tours de magie servent surtout à voler les bourses des passants ! L’Archevêque de Paris et un Frère mineur franciscain vont alors les voir et les convaincre de repartir… Pendant la Seconde Guerre mondiale, entre 50 000 et 80 000 Roms sont morts dans les camps d’extermination. Beaucoup ont aussi participé aux actions de la Résistance.

« Un compagnonnage au quotidien… »

Dans un article de septembre 2018, IOTA vous racontait les débuts d’une nouvelle association de l’UDV : Romesperance, créée un an plus tôt et destinée à accompagner la population Rom vivant sur Toulon (voir l’article ICI). Son président d’alors, Emmanuel Grossetête la définissait ainsi : « Romespérance a pour humble vocation d’accompagner les familles Roms de l’aire toulonnaise dans l’accès aux droits et la prise de conscience des devoirs relatifs à toute personne qui vit en France. Il s’agit d’un compagnonnage au quotidien sur trois volets : l’aide à la scolarisation, la médiation sanitaire et l’accompagnement vers et dans le logement. Nous sommes également en lien étroit avec le Secours Catholique pour des missions d’accompagnement des adolescents Roms et pour organiser et promouvoir des manifestations festives et conviviales grâce à l’intervention de Ionut Stan, d’origine Rom et salarié du Secours Catholique.»
Trois années ont passé… 2021 va voir maintenant les différentes missions de l’association transférées chez LOGIVAR-UDV, afin de les inclure dans l’accompagnement global des familles tel qu’il est pratiqué dans cette structure depuis sa création. Une nouvelle antenne sociale, dont le bail vient d’être signé, est créée au 88 rue Adolphe Bony, à Toulon.

« Des gens épiques et surprenants… »

C’est ainsi que les dépeint Cléa Delacour qui intervient auprès des Roms. Elle, qui a été auparavant travailleur social auprès des détenus du Centre pénitentiaire de La Farlède, a rejoint en 2014 les 36 familles toulonnaises et les accompagne au quotidien. Ce travail auprès des Roms a été porté en premier par SICHEM et Solidarité aire toulonnaise avant de devenir Romesperance. Cléa Delacour nous brosse un tableau de l’actuelle situation, et je crois que l’on peut parler d’empathie en ce qui concerne tout ce qu’elle exprime à leur endroit, d’enthousiasme pour sa mission et de compréhension devant des situations parfois bien ardues. Appréciée autant par les administrateurs de l’association que par les Roms, elle a le mérite d’être d’une activité débordante ! 145 personnes, hommes, femmes et enfants, c’est une charge quand on sait comme la relation peut devenir difficile quand l’attente ne reçoit pas la réponse espérée…
La plupart de ces familles vivent dans un vrai logement, avec un bail. Les autres sont installées « en squat de bailleur public », c’est-à-dire dans des logements sociaux pourvus d’eau et de chauffage mais illégalement. Or, en septembre 2020, la loi ELAN a supprimé le bénéfice de la trêve hivernale pour les « squatters » « entrés dans le domicile d’autrui ». Ces familles peuvent donc être expulsées n’importe quand.
D’où viennent ces familles ? De Roumanie pour la plupart. Migrants malgré elles, c’est l’économie roumaine qui les a poussées hors de leur pays. La vie là-bas est encore très dure, même si l’on veut oublier tout ce qui s’est passé pendant des années jusqu’à la chute du « Conducator Ceaucescu » en 1989. La Roumanie compte entre 600 000 et 1 million de Roms, c’est le groupe le plus important de cette communauté.

« Ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont… »

Un grand nombre des Roms de France sont sédentaires, salariés et peuvent se dire «intégrés». Certains maîtrisant mal la langue française, les difficultés peuvent-être nombreuses quant au suivi de leur existence (logement, santé, droits, scolarité…), à la compréhension des directives, des questions. Et cela ajoute à leur propre perte de confiance, en eux comme en nous. «Ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, ils viennent de si loin, certains ne sont jamais allés à l’école. Pourtant, beaucoup valent le coup !» nous dit Cléa Delacour avec cette compassion lucide qui la caractérise. Il est bien évident que leur intégration sociale, économique, citoyenne, est réellement épineuse.
Les plus grands des enfants sont au Lycée, certains ne vont à l’école que tardivement et pas à l’école maternelle, la tradition familiale les voulant auprès de leurs mères. Cependant, en école primaire, il y a encore parfois de la répulsion de la part des parents d’élèves. Ce sont les enfants Roms eux-mêmes qui aident les parents à lire et comprendre les divers documents administratifs. Pour reprendre une expression d’Emmanuel Grossetête, «l’action que nous menons consiste avant tout à espérer contre toute espérance !».

Romespérance, c’est trois missions par trois travailleurs sociaux :
– La domiciliation et le suivi des bénéficiaires du RSA.
– L’accompagnement des familles en vue du relogement.
– Tout ce qui touche à la spécificité des Roms.

« On est ravis d’accueillir cette nouvelle mission dans laquelle nous nous reconnaissons »

Logivar-UDV compte trois établissements dont Brice Huré est le directeur : le centre d’hébergement Résidence Solidaire Les Favieres, le centre d’hébergement la Maison Saint Louis et l’antenne sociale qui accueillera Romespérance.
C’est lui qui nous dit combien son équipe et lui-même sont heureux de pouvoir intégrer cette mission pas tout à fait comme les autres. Logivar-UDV a initialement été créé pour l’hébergement des sans-abri et continue depuis 20 ans à soutenir les plus fragiles, l’antenne sociale complète le dispositif en proposant un lieu de domiciliation et de suivi global de bénéficiaires du RSA et une mission d’accompagnement vers le relogement. Inutile de dire combien l’intégration de Romesperance entre alors dans le paysage. «Parce que nous vivons les mêmes valeurs et les mêmes convictions, comme l’évoque nos statuts, nous partageons l’objectif de «la promotion humaine et la réinsertion des personnes en situation de marginalité et de pauvreté». Nous espérons créer une dynamique pour mutualiser nos actions, et insérer les Roms au long cours» précise Brice Huré.
L’ouverture de l’antenne sociale de Logivar-UDV au 88 rue Adolphe Bony aura lieu courant février, sans possibilité hélas de véritable inauguration dans le contexte sanitaire actuel, ce qui est regrettable, évidemment, mais le message du directeur est enthousiaste : « Venez nous rencontrer, on vous expliquera, on vous fera connaître tout ce qui va se faire dans cette nouvelle antenne. »
Comment résister à une telle invitation ? Et à l’enthousiasme de Cléa et de Brice ?
Et puis, ajoute-t-il, « ensuite on fera le tour du réseau UDV pour se présenter ! » et ne cache pas son admiration pour l’expérience et le professionnalisme de Cléa Delacour.

Pour conclure : le saviez-vous ?
En France, leurs talents d’amuseurs publics et de dresseurs de chevaux ont généré de célèbres familles du cirque : les Bouglione, les Zavatta. Le guitariste Django Reinhardt, quant à lui, a influencé le jazz en y mêlant la musique de son peuple.. Des œuvres célèbres ont contribué à modeler la représentation du monde Rom dans l’imaginaire collectif, comme les personnages d’Esmeralda de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo ou de Carmen de l’opéra Carmen de Georges Bizet. Au cours des âges, les Roms ont souvent adopté la religion dominante du pays où ils se trouvaient, tout en gardant leur système spécial de croyances, de traditions ou d’interdits spécifiques. On trouve donc des catholiques, des protestants, des orthodoxes et des musulmans. Enfin, les Roms ont aussi un Saint Patron : L’espagnol Zéphyrin Giménez Malla.

Né en Espagne en 1861, pendant 40 ans il vit d’une façon nomade avec les siens. On le surnomme « El Pelé ». Puis il s’installe à Barbastro où il se marie. Là il enseigne le catéchisme aux jeunes Roms, arbitre les différends et assure la paix dans la communauté. Portant secours aux défavorisés sans compter ni son temps ni sa peine, il fait partie de la Conférence St Vincent de Paul et des Tertiaires franciscains. En 1936, c ‘est la guerre d’Espagne. Un jour, il prend la défense d’un prêtre maltraité. Quand on lui demande s’il a une arme, il sort sans mot dire un chapelet de sa poche ! Arrêté à son tour, il est tué à Barbastro le 9 août 1936 son chapelet à la main.. Enterré dans une fosse commune, son corps n’a pas été retrouvé. Il a été béatifié par Jean-Paul II en 1997 devant des milliers de Roms. En 2011, la première paroisse dédiée aux gens du voyage, placée sous le patronage du Bienheureux-Ceferino-Giménez-Malla, est créée par l’évêque d’Évry. Il a aussi sa Chapelle dans la Basilique St-Nicolas de Nantes.

« Si tu es homme pour donner ta parole, sois-en un aussi pour la tenir. »
« Laisse au coin du feu ce que tu n’as pas l’intention de manger, un ami peut arriver. »
(Proverbes et dictons roms)

Aline RACHEBOEUF.


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