L’UDV cultive ses jardins solidaires
« Il faut cultiver notre jardin ». A la fin de son célèbre ouvrage intitulé « Candide ou l’optimisme » », Voltaire insistait sur l’aspect thérapeutique et même philosophique du jardin. Jardiner est bon pour la santé et contribue à remettre l’homme dans le sens de la marche. Les associations membres de l’UDV l’ont bien compris et elles font fleurir en leur sein de nombreux jardins « solidaires ».
Embarquons pour un tour d’horizon des sites qui accueillent ces jardins : les jardins solidaires de la Nartuby au Muy, la ferme pédagogique Les Esclamandes à Fréjus et les jardins solidaires de la Castille à La Crau.
Les jardins solidaires de la Nartuby au Muy
Nous sommes accueillis par Servanne Déchaux, coordinatrice, et Charlotte Garcia, conseillère en économie sociale et familiale (CESF), au sein de l’association Dracénie Solidarités, pôle territorial de l’UDV. Ils sont situés en bordure d’une route sur la commune du Muy. Leur nom provient de la rivière Nartuby qui coule juste à côté. Charlotte nous explique leur fonctionnement. « Les jardins sont composés de 16 parcelles, utilisées par des personnes isolées et des familles en difficulté (13 en file active soit une cinquantaine de personnes), qui sont envoyées par les travailleurs sociaux, ou se présentent d’elles-mêmes. 1 parcelle est réservée à l’école primaire voisine et 2 autres sont dites « solidaires ». Ils appartiennent à la commune qui nous a confié leur gestion depuis 2013 ».
Objectif : « responsabiliser » les jardiniers
Les légumes issus des 2 parcelles solidaires permettent d’alimenter les 2 épiceries sociales tenues par Dracénie Solidarités : celle implantée à Draguignan et l’épicerie itinérante. L’association fournit les semences et les outils aux « cultivateurs en herbes ». Ces derniers disposent d’une clef leur permettant de venir jardiner quand ils le souhaitent. « L’objectif est de responsabiliser les utilisateurs » explique Servanne. « On est là pour les accompagner, pas pour faire à leur place ».
Un jardinier salarié, Jean-Claude, intervient sur le site. Il est épaulé par Charlotte qui, sur place, anime divers ateliers : cuisine, plantations, jardinage collectif sur les parcelles solidaires, nutrition… L’objectif est de rompre l’isolement des usagers, assurer leur insertion sociale et leur permettre de récolter les légumes bios qu’ils ont cultivés. Et ça marche !
« Le jardin est un support très riche car il permet de remobiliser la personne : elle est obligée de respecter les horaires, se lever le matin, bref elle retrouve un rythme. Elle doit aussi respecter l’engagement qu’elle a pris envers elle-même, et les activités communes contribuent à la resocialisation. Les familles impliquées peuvent développer des relations avec les autres, se lier d’amitié avec d’autres habitants de la commune et parfois même faire connaissance avec leurs propres voisins ! De plus, tout en jardinant, les personnes accompagnées me confient beaucoup de choses provenant de leur jardin intérieur », développe Charlotte.
Pour 2017, l’association a le projet de créer un calendrier de recettes de cuisine avec des légumes de saisons, cultivés dans les jardins, qui sera vendu à 2€. Signe de la volonté d’associer les personnes accueillies aux activités et à la vie de l’association : « ce sont les familles qui proposeront elles-mêmes leurs recettes », confie Charlotte.
Sur place nous rencontrons Alexandre Da Conceicao, qui, en compagnie de son ex compagne Laetitia Payet, cultive sa parcelle. Employé chez Pizzorno dans un centre de tri des environs, il accepte de nous répondre. « Depuis que je suis tout petit j’ai toujours eu un jardin. Grâce à l’association, je peux à nouveau retrouver le plaisir de jardiner ! Ici je fais pousser un peu de tout : salades, poivrons, piment, haricot, pommes de terres, des fraises pour les enfants… ils en raffolent ! Et ça n’a rien à voir avec les légumes du commerce ! ». Il donne une partie de sa récolte à Laetitia qui a le secret pour mitonner de délicieux petits plats : tourte à la courge, tomates confies, ratatouille… Que du bon !
La ferme Les Esclamandes à Fréjus
La ferme pédagogique Les Esclamandes est un écrin de verdure sis dans un paysage idyllique, en bord de mer, à Fréjus. Elle se trouve au sein du site naturel protégé des Étangs de Villepey, une des rares zones humides littorales entre la Camargue et l’Italie. C’est un site qui bénéficie de la double labellisation « Ramsar » et « Natura 2000 ». Le terrain occupé par la ferme est propriété du Conservatoire du Littoral, géré par la mairie et mis à disposition de l’association Epafa (Education, Promotion, Accueil des Familles)., qui porte cette action. Auparavant, la ferme était gérée par l’association Semailles 83.
Là encore, nous sommes très bien accueillis par l’équipe salariée. Joëlle Fondrevelle est la coordinatrice du lieu, Cyprien Apia est agent de développement et Franck Viale, animateur. Tous 3 nous expliquent le fonctionnement de la ferme. « Ici c’est une vraie ferme avec son cycle naturel. On y cultive des fruits et légumes de saison, biologiques, et nous possédons de nombreux animaux : ânes, chèvres, poules, dindon, coq… La superficie du site est d’un peu moins d’un hectare, et les parcelles cultivées font 2500 m2. On y récolte tout un tas de choses : choux-raves, topinambours, concombres, aubergines, artichauts, oignons, poireaux, pommes de terre, haricots, blettes, tomates, fraises, melons, pastèques… La liste est longue », s’amuse Cyprien.
Depuis le 15 avril 2016, la ferme dispose d’une certification bio pour tous les produits cultivés. Que deviennent ces produits une fois récoltés ? Une partie sert à confectionner des repas proposés aux personnes accueillies sur le site, une autre est donnée en nourriture aux animaux , enfin le reste est proposé à la vente sur place. Une parcelle du jardin potager est utilisée par des familles avec enfants, dans le cadre d’une action de soutien à la parentalité.
Par ailleurs, la cane de Provence est exploitée et transformée sur place en canisse, puis vendue. Elle est successivement coupée, écorcée, tissée, pour enfin servir à faire de l’ombre, des barrières, un brise-vue ou brise-vent etc.
Joëlle nous explique le projet social du lieu. « Ici nous travaillons autour de 3 axes : l’éducation à l’environnement auprès des enfants et adolescents, l’économie sociale et solidaire pour un large public, et la promotion de la santé et de l’hygiène alimentaire avec un public en souffrance sociale, psychique ou porteur de handicap mental. Ce grâce à divers outils concrets présents sur place : un jardin potager bio, une serre, un atelier de valorisation de la canne de Provence et de travail du bois, ainsi qu’un espace animaux de ferme ».
Un double travail « pédagogique et thérapeutique »
La ferme des Esclamandes accueille de nombreuses personnes, essentiellement à la belle saison : des scolaires des établissements des environs, des jeunes en IME (Institut Médico-Éducatif), des Centres sociaux ou de loisirs, des adultes handicapés, parfois porteur de handicap mental, des personnes issues des CMPP (Centres Médicaux Psycho-Pédagogiques) etc. « Les activités liées aux animaux, au jardin et les travaux manuels permettent un double travail : pédagogique et thérapeutique », précise Cyprien.
Le jour de notre visite, il accueille de jeunes élèves en grande section à l’école Stanislas, de Saint-Raphaël. Attentifs, ils « boivent ses paroles » tandis que Cyprien leur explique comment fabriquer un mobile suspendu à partir d’éléments naturels. Un peu plus loin, un autre groupe d’enfants rigolent en entendant glousser le dindon, tandis que d’autres semblent effrayés par la découverte d’un orvet, un lézard sans pattes ressemblant étrangement à un petit serpent… Ce sont bien les différentes réalités de la ferme que découvrent nos chères petites têtes blondes !
On sent que l’équipe est soudée et heureuse de travailler sur un tel lieu. « Le cadre est somptueux mais en hiver c’est parfois compliqué avec le mauvais temps », nuance Cyprien. Et là encore, l’équipe fait part de son besoin en bénévoles, notamment pour les week-end : la ferme ne s’arrête pas et le week-end il faut venir nourrir les animaux et arroser le potager, avis aux bonnes volontés !
Les jardins solidaires de la Castille à La Crau
Dernière visite du plus récent projet en date : les jardins solidaires, localisés au domaine de La Castille, sur la commune de La Crau, dans l’agglomération toulonnaise. Laurent Carabin, chargé de mission au sein des Amis de Jéricho, association porteuse de l’action, nous explique leur fonctionnement. « Contrairement aux 2 autres jardins, ceux-là en sont encore au stade de projet car beaucoup reste à faire. Le terrain nous est confié par le domaine de La Castille, propriété du diocèse de Fréjus-Toulon. La superficie est d’environ 7500 m2, soit un peu moins d’un hectare. Il fait environ 300 m de long sur une quinzaine de large, et il se situe entre les vignes et la rivière. Planté de quelques vieux figuiers, l’enjeu d’aujourd’hui est de défricher le terrain pour le rendre cultivable ».
Ainsi, plusieurs « bricol party » ont déjà été organisées par le service bénévolat de l’UDV, en lien avec Jéricho. Rassemblant personnes accueillies, salariés, bénévoles, jeunes en service civique, elles ont permis de nettoyer une bonne partie du terrain, mais beaucoup reste encore à faire !
3 projets principaux sont envisagés dans ces jardins : 1 activité de maraîchage, 1 ferme à spiruline (sous serre), et 1 activité de pisciculture (dans un second temps). « La pisciculture est encore un rêve qui, j’espère, deviendra réalité », s’amuse Laurent. Pour superviser les activités, un jardinier a été embauché, Jean-Michel Hollier, avec un statut d’encadrant technique.
« Aujourd’hui nous avons démarré l’activité jardin, avec la plantation de plants de tomates, aubergines, courgettes, salades et poivrons. Le terrain a été défriché, une partie a été dégagée, débroussaillée, pour préparer le terrain. On espère maintenant que le domaine de La Castille va nous aider à retourner la terre pour que l’on puisse planter », explique-t-il.
C’est une aubaine, le terrain est mis à disposition gratuitement pendant 5 ans. Le projet est porté par les Amis de Jéricho, qui souhaitent développer des projets liés à l’insertion, en lien avec les associations toulonnaises regroupées autour de SAT, pôle territorial de l’UDV. Karim Bouzar, directeur de Jéricho, nous explique les objectifs visés.
« Notre objectif est de mettre les personnes en situation professionnelle, de les qualifier et former aux métiers de l’agriculture. Il s’agit bien de développer l’insertion professionnelle des futurs bénéficiaires. Le but est d’essayer de lancer une activité agricole variée, et de construire un lieu où les personnes peuvent pratiquer et apprendre un métier. Par ailleurs, nous envisageons de nouer un partenariat avec le lycée agricole de Hyères ».
Et bien sûr, l’équipe souhaiterait travailler en lien avec les autres jardins de l’UDV.
Le besoin urgent est de construire un cabanon qui ferme à clef permettant de laisser les outils sur place. Puis il faudra envisager la pose de panneaux solaires car la culture de la spiruline a besoin d’électricité.
Concernant l’équilibre économique du projet, Laurent explique : « notre objectif est d’avoir une activité suffisamment rentable pour pouvoir payer les gens qui y travaillent, et grâce à cet autofinancement pouvoir aussi se développer. Actuellement nous ne sommes pas financés. Nous attendons une confirmation suite à notre demande adressée à la Fondation Le Chemin, dont l’avis devrait être favorable. Nous répondons aussi à un appel à projets dans le cadre du Fonds Social Européen (FSE), porté par le Conseil Départemental du Var. En effet, le jardin comme action d’insertion répond à l’objectif du FSE visant l’insertion socio-professionnelle. En fait, nous souhaitons bénéficier de crédits publics pour amorcer le projet (25 000€ sont nécessaires), après nous verrons ! ».
Les personnes en insertion devraient être une vingtaine, encadrées par au moins 2 salariés. Elles seront aiguillées par des prescripteurs publics. L’objectif est de démarrer les activités d’insertion en janvier 2017. La culture de la spiruline devrait débuter en mars. Un autre objectif est que de nombreux bénévoles soient aussi présents sur le site, dont des personnes en situation de précarité accueillies au sein des Amis de Jéricho, ou d’autres structures sociales. Avec l’ambition de les aider à sortir de la rue et de la « jungle urbaine », et de les encourager à devenir citoyennes et actrices de leur vie ; Qu’à travers l’activité jardin elles puissent retrouver un certain équilibre et dynamisme de vie.
Là encore nous retrouvons le leitmotiv propre et commun aux associations membres de l’UDV : remettre l’homme debout et dans le sens de la marche, puis lui permettre de se remettre à marcher, tout en faisant un bout de chemin d’accompagnement avec lui…
Les besoins en bénévoles…
Besoin de bénévoles (classiques) et de personnes accueillies par les structures pour donner un « coup de main ».
Appel urgent à bénévoles : arrosage le WE, entretien parcelle, désherbage, débroussaillage, à La Castille et aux Esclamandes.
A la Castille : besoin de 2 personnes qui assurent le quotidien en complément du jardinier salarié.
Les jardins solidaires de la Nartuby (Dracénie Solidarités) : 06 66 00 53 88
La ferme des Esclamandes (EPAFA) : 04 94 81 11 62 – 07 81 63 50 83
Les jardins solidaires de la Castille (Les Amis de Jéricho) : 04 94 23 21 51 – 04 94 24 89 19 (service bénévolat de l’UDV).
Par Christophe Parel, responsable communication de l’UDV.