Les cordages entrelacés du bateau UDV
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Le dimanche 8 novembre est parti le Vendée Globe et parmi les monocoques, pour la première fois, l’un d’eux, le LinkedOut, portera la voix des exclus tout au long de ce tour du monde en solitaire et sans escale.
L’UDV – Union Diaconale du Var – ressemble elle aussi à un bateau. Mais un bateau où l’ON NE FAIT PAS LA COURSE EN SOLITAIRE, un de ces grands trois-mâts qui naviguent « contre vents et marées », et sur lesquels chaque pièce, chaque cordage, chaque membre d’équipage a sa place, son rôle, son importance. A bord, rien n’est inutile.
Et pour que se gonflent les voiles au souffle du vent, il faut qu’elles soient tendues et bien arrimées ! À bord de l’UDV, les cordages (les « bouts ») indispensables, ce sont tous les bénévoles : écoutes, amarres, drisses ou balancines, à chacune sa place et son efficacité !
Nous avons demandé à plusieurs membres engagés à l’UDV d’évoquer pour vous, lecteurs, ce qui sous-tend leurs actions si différentes en apparence mais résumées par un seul mot : ENSEMBLE. Vous allez découvrir que le bénévolat est une immense panoplie de savoir-faire qui va bien au-delà des mots et des gestes, car bénévole, c’est avant tout un « savoir-être ».
Le Projet associatif 2016-2020 de l’UDV évoque la lettre de mission de Gilles Rebèche au jour de son ordination diaconale : une mission en quatre « tableaux » : communion, réflexion, éducation, rayonnement. Tout cela vécu dans les rencontres au service des plus faibles d’entre nous, par des allers-retours incessants d’accueil et d’écoute.
Pourquoi ? Et pour quoi ?
Nos « témoins » d’aujourd’hui remplissent des « missions » très différentes. Ils viennent aussi d’horizons totalement différents : sans profession, créateur de publicité, graphiste, officier de marine, médecin, en recherche d’emploi, commerçante… Et il en est ainsi des quelques 850 bénévoles du réseau UDV. Tous et toutes participent à la vie de personnes dont les relations sont brisées : gens de la rue, mamans isolées, détenus, exclus de toutes sortes aux trajectoires souvent incroyables et pour qui « la misère, c’est de vivre sans vie » (Atelier d’écriture des Amis de Jéricho). Ils ne sont plus de simples sympathisants de la fraternité et de la solidarité, mais, à travers des engagements librement consentis, ils ont accepté de faire un bout de chemin avec « l’autre » quel qu’il soit. A commencer par la prise de conscience qu’il y a des personnes qui n’entreront jamais dans les cases habituelles de la relation !
Ecoutons-les
– « Je m’étais dit : quand j’arrêterai ma profession et que je n’aurai plus la pression du travail, je chercherai à rendre service. Et mon envie de devenir bénévole a été le résultat d’une rencontre : une avocate à la retraite avait décidé de sortir des gens de la précarité en créant un petit restaurant. Cela a été une vraie révélation : elle ne se servait pas des autres pour se mettre en valeur, son action n’était pas non plus une seconde vie professionnelle, mais un chemin avec… «
– « Etre bénévole m’a demandé un peu d’organisation dans mon quotidien ! Il ne faut pas, dans l’enthousiasme des premiers temps, vouloir tout faire et trop faire, ce n’est pas ça la mission et automatiquement cela amènera des déconvenues, des déceptions. Devenir bénévole a été quelque chose comme une re-naissance : ne pas rester dans sa bulle, apprendre à communiquer, sentir qu’il n’y a pas que le monde ET MOI, mais qu’entre nous, il y a L’AUTRE… C’est un peu comme une cohabitation ; plutôt qu’une hiérarchie, l’association est une organisation où chacun met « le tablier de service. »
– « Au départ, je n’avais pas conscience de « faire du bénévolat ». je faisais le catéchisme, ça semblait simple. Et puis mon regard a évolué avec d’autres activités et j’ai découvert la rencontre de « l’autre » là où il en est. Avec chacun nos différences et nos manques. Le dialogue, l’échange, en toute simplicité. Que de joies je récolte aujourd’hui ! Quand la personne rencontrée repart avec le sourire ou en me faisant la bise, là je sais que nous venons de vivre un moment très fort. Cela me comble de bonheur tout simplement, et me fait oublier les fois où le contact est particulièrement difficile. Oui c’est cela : être présent pour l’autre mais aussi savoir s’effacer devant lui afin que lui aussi trouve du bonheur dans la rencontre et l’échange… Je vis ma foi à travers le bénévolat. Cela me permet d’avancer et de ne pas me renfermer sur moi-même. «
– « La difficulté dans le bénévolat c’est l’envie que l’on peut ressentir de voir rapidement l’efficacité de notre action, avec l’attente d’une gratification en retour. D’où la nécessité de l’humilité. Donner de son temps et de son talent – sans forcer son talent – je fais comme je peux, tout ce que je peux, même dans l’ombre. Tartiner des sandwiches peut sembler « petit » mais en réalité, c’est le commencement de la chaîne de fraternité ! On ne met pas les pauvres au service de soi-même, et il faut être persuadé qu’il y a un fond de bien dans toute personne quelle qu’elle soit, d’où qu’elle vienne. Je viens donner, mais je sais que je vais apprendre ; je sais aussi que rendre service, c’est rendre heureux, et c’est l’essentiel. L’important, c’est : on témoigne par son état bien plus que par ses actes. Chacun a sa place dans l’équipe ; il y a eu un avant nous, il y aura un après nous, pour l’instant je fais de mon mieux la part qui m’est dévolue. Lorsqu’on m’a confié une grande responsabilité, j’ai commencé par réfléchir… l’autorité est aussi un service… un service pour aider les autres à donner le meilleur et le donner ensemble. Alors, j’ai dit oui. Avec le temps, on s’aperçoit que l’échelle des valeurs est retournée, qu’il n’y a pas de hiérarchie mais un système horizontal. »
– « Le bénévolat ? C’est de l’action, de la vie ! Je suis allée à Kaïré – UDV pour faire du théâtre… et j’y ai fait tout autre chose ! Plein de choses, car chez nous l’accueilli et l’accueillant se confondent. Dans la même journée, tu es tout, tu participes à la vie : tu fais du théâtre ? Tu es accueilli… puis tu passes le balai ? Tu es accueillante. Il y a un côté incroyablement convivial, sans étiquette, chacun est comme il est, on sait juste qu’on a besoin les uns des autres. Et ainsi on arrive à rester à l’échelle humaine. C’est une chose importante à faire prendre conscience à celui qui arrive… qu’il réalise qu’on est toujours l’accueilli de quelqu’un. Ce côté « famille », il réside jusque dans l’expression : on va CHEZ Kaïré, et non A Kaïré.»
– « Il y a 8 ans que je suis bénévole à l’UDV, et parfois je me dis : « Dommage que je n’ai pas fait ça avant ! ». Un jour quelqu’un m’a dit : « Viens, tu passes la soirée avec nous, et tu verras ce que c’est ». Alors je suis venue… Et cela a donné du sens à ma vie, j’avais un but autre que le « moi-même ». Et ensuite j’ai découvert que les gens de la rue peuvent arriver à donner eux aussi un sens à leur vie : il se passe quelque chose au niveau affectif, nous sommes des instruments et l’humilité, ce n’est pas facile. Ce qui m’a fait le plus avancer : que « l’autre » me guide, cela me renvoyait à mes failles personnelles. Quand on devient bénévole, il ne faut prendre que les engagements que l’on va pouvoir tenir, il faut se répéter qu’on apprend en faisant avec les autres, qu’ils soient accueillis ou accueillants, et puis il faut savoir qu’il y a des trucs auxquels on ne s’habitue pas, comme les enfants de la rue, les personnes âgées seules et en précarité. J’ai moi-même de quoi vivre – simplement mais normalement – et ceux vers qui je vais n’ont rien. Dans la vie, il y a la chance et la malchance : elles peuvent se rejoindre, s’unir et devenir quelque chose de vivable pour tous. Je remercie infiniment les organisateurs de la Journée du 13 octobre dernier au domaine de La Castille. C’était chaleureux, amical, fraternel, on se sentait bien ensemble, ça faisait fête de famille. »
« J’ai rejoint Promo Soins – UDV il y a 25 ans, à ses premiers balbutiements, et mon mari est venu me rejoindre lors de sa retraite. Nous sommes à deux, ensemble, au service, et c’est tout simplement formidable ! Au cours de ces années, les populations accueillies ont changé : âges, origines, causes de la précarité, mais les souffrances morales restent les mêmes. Même si l’on sait qu’on ne changera pas le monde, on persévère dans les soins, l’écoute, le réconfort, on essaie de faire vivre l’espérance par des mots d’encouragement. Jadis, certaines personnes choisissaient de vivre à la rue mais aujourd’hui pour la majorité, c’est la rue qui les a « happés ». Il n’en demeure pas moins que nous admirons leur courage, que leurs mercis nous touchent : au-delà des mots, nous recevons bien plus que nous donnons ! Dans cette chaîne de solidarité, de fraternité, nous ne sommes que de « petites mains » et pour avancer il ne faut pas hésiter à se remettre en question. Nous sommes parents et grands parents et nous avons pris conscience que la précarité peut survenir chez chacun de nous dans des circonstances de la vie qui sont parfois bien cruelles. Le regard que nous portons sur les autres modèle celui que nous portons sur « les nôtres ».
« Que signifie apprivoiser, dit le Petit Prince. C’est une chose trop oubliée, dit le renard, ça signifie créer des liens. »
Chers lecteurs et lectrices, vous l’avez lu : chacun VIT sa part de bénévolat avec ce qu’il a dans le cœur, et il y a comme un « effet tremplin » qui se produit. Soyez sans crainte : il n’y a pas de bénévole idéal, chacun est au service avec ce qu’il est, se répétant inlassablement qu’il faut aller vers les gens et non pas attendre qu’ils viennent à vous ; que c’est là le seul moyen de toucher les cœurs : qu’il faut percer les carapaces les plus dures avec la tendresse et la douceur ; que, plus une parole est chargée d’amour, plus elle donne la vie ; que la rencontre, c’est l’écoute, le partage, le dialogue ; que même le pire des brigands peut changer de vie…
De cette façon, c’est tous ensemble que nous approchons de la perfection ! Et que naît ainsi, du travail en équipe, l’émerveillement et l’admiration. « Il est aussi beau de peler des pommes de terre pour l’ amour du bon Dieu que de bâtir des cathédrales » écrivait Guy de Larigaudie (écrivain mort pour la France en mai 1940).
A n’importe quelle place qu’il se trouve dans la chaîne de fraternité, le bénévole est un « communicant ». Le pape François disait : « Comme il est beau de voir des personnes engagées choisir avec soin des paroles et des gestes pour dépasser les incompréhensions, guérir la mémoire blessée et construire la paix et l’harmonie… »
Nous souhaitons que la lecture de ces lignes vous ait fait un petit clin d’œil, qui que vous soyez, où que vous soyez, en cette période de confinement et de crise sanitaire et même…humanitaire. Notre Président de l’UDV, Thierry O’Neill, a pour nous tous des paroles rassurantes et encourageantes :
« Merci à ceux qui seront sur le front et, par conséquent, exposés. Merci à ceux qui seront en deuxième ligne, en soutien direct. Merci à ceux qui seront à l’arrière, mais tout aussi indispensables. Merci aussi à ceux qui, pour de bonnes raisons, vont préférer s’arrêter pour se protéger eux et protéger les autres. »
Il est exaltant de vivre sa vie autrement qu’en spectateur ! Alors : POURQUOI PAS VOUS ?
Aline RACHEBOEUF.
(Photos libres de droits).
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