L’animal, compagnon de fortune des « infortunés »
« Il n‘avait pas d’ami parce que… parce qu’il n’avait pas de chaussures. Il avait un copain, c’était un chien, un chien noir et blanc qui était plus noir que blanc. Quand on le caressait, c’était tout le Bon Dieu qui venait dans le creux de votre main pour vous dire « je t’aime ». Savez-vous que les chiens disent mieux « je t’aime » que nous autres ? » D’un auteur inconnu.
Il y avait foule ce jour-là et on se bousculait tellement sur le parvis de l’église que c’en était même quelque peu irrespectueux ! En essayant de m’extirper de la cohue pour descendre les 9 marches de l’entrée, je me sentis brutalement propulsée vers le vide et ce fut la chute… mais ô miracle, en arrivant au sol, ce ne fut pas la dureté du trottoir que je sentis mais quelque chose de doux comme un coussin.
J’avais atterri sur « le gros chien noir du clochard » couché comme toujours au bas des marches, et qui n’avait même pas bougé. Tout le monde fut bien étonné mais moi j’ai toujours pensé que le « toutou » me connaissait bien et que c’était de sa part une reconnaissance pour la petite caresse sur sa tête et le bonjour à son maître à chaque fois que je venais à l’église.
C’est là un simple fait divers mais… il résume tout ce que cet article souhaite vous faire découvrir, l’enjeu de la place occupée par l’animal – et pas seulement le chien – dans la vie de ceux qui n’ont plus de place, eux, dans la société.
Car le sujet des animaux de SDF – et même tout simplement de personnes en grande précarité – fait toujours débat. Préjugés, critiques, attaques, rien n’y manque.
« Comment peut-on prétendre s’occuper d’un animal quand on n’est pas f… de s’occuper de soi-même ? »… « On n’arrive déjà pas à nourrir les gens, alors si en plus il faut nourrir leurs animaux… »… etc, etc.
Compagnon de galère de cette population désignée généralement par le terme de sans-abri, le chien de la rue est un mystère pour bon nombre de personnes. Il faut dire qu’il inquiète, surtout s’il est noir et un peu gros.
Comment le « canis lupus » devenu « le meilleur ami de l’homme » (et ceci depuis bon nombre de milliers d’années), gratifié du titre d’animal « domestique ou familier » – c’est-à-dire faisant partie de la maison -, comment cet être là peut-il accepter de vivre sans autre toit que la voûte céleste… avec tout ce qu’elle peut parfois réserver de surprises… comme si, seul le confort d’un foyer stable, avec coussins et jouets, était pour l’animal, synonyme de bien-être.
Ces propriétaires atypiques que sont les « exclus » sont accusés en général d’alourdir leur précarité par la présence d’un fardeau supplémentaire. Qualifiés souvent de « maîtres au rabais », ils subissent fréquemment des leçons de morale de la part des passants.
« Pauvre bête, quelle vie elle a…. Ce pauvre chien ne doit pas manger à sa faim, il risque de devenir méchant…Ne t’approche pas, mon petit, on ne sait pas d’où il vient ce cabot… », et le trop fameux « délit de sale gueule » s’applique aux deux errants !
Le chien de la rue et l’homme de la rue sont des « sous-espèces »…
Xavier fait la manche à la sortie d’un supermarché. Ses deux chiens, de bonne taille, en laisse, dorment tranquillement à proximité. Un « bonjour monsieur » et un « salut les toutous ! » répondent à son bonjour et ouvrent la conversation. Il me dit qu’il ne vient que le matin car, à midi et demi, les vigiles arrivent et les chassent sans ménagement.
« Vous vivez dans la rue ? » « Non, depuis 15 jours j’ai un petit logement ; ça faisait plus de 2 ans que j’attendais. Quand j’étais dans la rue, j’allais à Jéricho et à Archaos. Ils acceptent les chiens, ils sont formidables, c’est grâce à eux que j’ai tenu le coup. Pour l’appart, c’est pareil, les proprios y sont pas chauds pour avoir des locataires à 4 pattes !»
Je réponds que je connais bien Jéricho et du coup cela nous rapproche. Xavier me raconte comment il en est arrivé là… et comment il a « ramassé » ses deux chiennes : l’une abandonnée dans la colline, l’autre dans un jardin public, bébés-chiens toutes les deux.
« Les 2 fois, je me suis dit : un peu plus, un peu moins, je me sentirai moins seul. Et je vous jure que je ne l’ai jamais regretté, car qu’est-ce qu’on s’aime ! » De mon caddie, j’extrais un lot de boîtes de sardines ; comme un fait exprès, en les achetant, je m’étais demandé si j’arriverais à les manger toutes…
« Ce que vous êtes chic, Madame, vous pouvez pas savoir… parce que, voyez-vous, les gens me donnent souvent des boites pour les chiens, mais pas souvent pour moi, et bien sûr, pas d’argent, mais ça je le comprends… »
Il ouvre alors son sac et en sort un paquet de croquettes et une boîte de pâtée : « Tenez, si vous allez à Jéricho, vous donnerez ça de ma part à quelqu’un qui en a besoin ; j’ai eu 4 paquets ce matin, je peux partager. »
Il y a dans cette conversation le résumé de toute une situation :
- Savons-nous répondre au bonjour de celui qui fait la manche, même si nous savons bien qu’il attend une pièce et que nous avons pour principe de ne rien donner « parce que c’est pour s’acheter de l’alcool » ? Dire bonjour, c’est reconnaître l’autre.
- La plupart des personnes donnent pour l’animal, pas pour le maître. Sans doute pour la même raison que ci-dessus. Le paquet de croquettes remplace le billet et apporte malgré tout une forme de bonne conscience.
- Peu de structures acceptent les sans-abri avec leurs animaux, et cela constitue une source supplémentaire de marginalisation. Le maître préfère dormir dehors par n’importe quel temps plutôt que de laisser son compagnon dehors pour pouvoir passer une nuit au chaud.
- Qui pourrait penser que celui qui n’a rien est incapable de partage ? Nous avons constaté une certaine solidarité chez les pauvres, un sens du partage, surtout en présence d’animaux.
- Il y a aussi la question du logement : pour certains propriétaires, avoir un chien entraîne un refus catégorique de location. Et, en refusant d’abandonner son animal, le SDF voit se prolonger sine die la galère de la rue. D’ailleurs, beaucoup de ces maîtres de la rue font l’effort de faire tatouer leurs animaux pour leur éviter la fourrière « en cas de pépin ».
- Notez bien que les animaux abandonnés ou jetés par les portières tous les ans sont les victimes, eux, non pas de personnes en précarité, mais de gens bien considérés.
« Qui n’a jamais élevé la voix contre moi ? Qui mange d’un appétit toujours égal les aliments que je lui achète ? Qui, malgré les années qui vont 6 fois plus vite pour lui, garde un entrain et une joie de vivre incroyables ? Qui finalement, ne demande rien d’autre qu’un peu d’attention, un peu d’exercice, un peu d’aliment, et donne en échange tout l’amour du monde sans rien attendre de plus ? C’est mon chien et je l’aime. » Jean-Claude Proy – Un amour de chien.
Le sans-abri vit dans un état de vigilance permanente, nuit et jour, et son chien lui assure la protection dont il a besoin. Pour nous qui avons des vies normales, nos jours sont jalonnés de repères faits de lieux et de personnes qui nous sécurisent : nos maisons, nos proches et nos voisins, notre travail et nos collègues, nos loisirs et nos amis, nos enfants, leurs écoles et leurs activités…
Celui qui vit dans la rue a perdu peu à peu tous les modules de son existence, il est comme dans un vide sidéral où même la notion de temps disparaît et où les quatre saisons ont la même couleur. Et ne parlons pas de son réseau de relations… lorsque, dans une journée, personne ne lui a adressé la parole et qu’il n’a même pas entendu le son de sa propre voix.
Le besoin de sécurité et de garde des affaires est recherché par les gens en errance. Un jeune couple possède 2 chiens : chacun le sien pour une meilleure protection et un plus de chaleur pour les nuits d’hiver. Même si avoir 2 animaux entraîne une marginalisation supplémentaire.
Dans la rue, tout est danger et l’animal devient « chien d’assistance », « chat ou lapin de compagnie ». C’est un ami fidèle qui vit à la dure, ne juge pas, protège, réconforte. Source de chaleur au propre comme au figuré, et aide au lien social dans beaucoup de circonstances.
Le chien, le chat, le lapin ne sont pas forcément éduqués, mais ils sont habitués à voir du monde, à entendre du bruit, et même à faire de mauvaises rencontres. La crainte inspirée par le chien renvoie une image négative, surtout s’il est de la catégorie chien d’attaque, de garde ou de défense ; on oublie assez facilement que dans toutes les autres races, il peut y avoir aussi des sujets peu fréquentables !
Quel qu’il soit, le compagnon d’infortune réduit l’anxiété et la dépression car il est à l’écoute de son maître 24 heures sur 24 ; pour le nourrir, le maître peut se priver d’alcool ou de tabac. Il va même jusqu’à partager le contenu de son sac repas : le maître mange le pain du sandwich, et le chien le jambon !
C’est ainsi qu’il peut retrouver et éprouver sa valeur d’être humain à part entière : il est « responsable d’une vie ». L’affection, l’amitié, la solitude rompue, un contact physique si important… L’amour passe avant le confort… L’amour aide à la survie…
« Pour me détendre, je le caresse… Avec lui, j’me sens redev’nir quelqu’un… Et puis, vous savez, on discute ; je lui fais des commentaires sur les gens qui passent et il est toujours de mon avis… Quand tu touches ton RSA, si tu fais pas gaffe, t’es pas longtemps à te faire agresser : eh bien ! Lui il est là ! »
Il y a là comme un sentiment de liberté chez ces personnes devenues quasiment transparentes dans notre monde d’aujourd’hui. L’animal évite cette « désintégration » progressive de l’être et lui fait retrouver un rôle à jouer. Cet amour donné et reçu l’aide à regarder ce qui l’entoure, à moins désespérer dans cette rue qui est « une véritable machine à broyer ».
Quand on a tout perdu, cette relation homme/animal est quelque chose d’unique. Voyez ce chien qui marche au même pas que son maître, toute la journée… Le chien – SDF marche sans arrêt, lui aussi.
S’il est la silhouette qu’on associe le plus facilement à celle du SDF, le chien n’est pas le seul compagnon d’infortune des personnes à la rue ou en précarité.
C’est en 2016 que le monde s’est ému au cinéma devant l’histoire de « Bob » le chat des rues. Adapté du roman autobiographique de James Bowen, un jeune anglais réfugié dans la drogue qui offrit ses maigres économies au vétérinaire pour prendre en charge un matou des rues dans un sale état. Le chat rétabli, nommé Bob, ne quittera plus jamais la semelle de son sauveur, et, à ses côtés dehors par tous les temps, à son tour, il aidera son maître à s’en sortir.
Si cette histoire a fait le tour du monde, nul besoin de traverser la manche pour vous compter de belles histoires de « solidarité à 4 pattes ». C’était l’été dernier, à la résidence solidaire les Favières à Toulon, les lecteurs de IOTA avaient découvert parmi les nouvelles estivales le sauvetage de 2 chatons par les résidents qui s’en sont occupé pendant une dizaine de jours avant qu’ils puissent rejoindre une famille d’accueil sous le couvert d’une association de protection animale locale.
Une histoire qui met un grand coup de pieds dans les préjugés, car il est bien connu que ces deux univers ne peuvent agir ensemble ! Qui, lors des collectes en supermarché pour la banque alimentaire, n’a jamais essuyé un « je préfère donner aux animaux » ? De l’autre côté, nombreux sont les « je ne vais pas donner aux animaux quand des gens crèvent de faim ! » recueillis par les collecteurs de croquettes de la protection animale !
Alors, c’est l’histoire d’un homme qui vit avec sa mère dans une petite maison avec jardin, dans un village du centre Var. Ils ont 2 ou 3 chats, aucun n’est stérilisé mais la mère se « charge » de réguler la population, scène de vie quotidienne en milieu rural. Et puis un jour, la femme décède, laissant son fils seul, avec un RSA et une population féline qui grandit car lui n’a « pas le courage de faire ça ».
En peu de temps, le jardin devient un refuge pour tous les chats du village, le chaton offert à Noël à la petite fille des voisins (des gens très bien évidemment), devenu trop encombrant au moment des vacances viendra agrandir la tribu car « ce n’est pas si grave, il y a déjà plein de chats dans ce jardin, un de plus, un de moins, qu’est-ce que ça peut changer ? ».
En peu de temps, ce sont 60 chats qui envahissent l’habitation, et leur maître connait le nom de chacun, laisse ses maigres revenus pour les nourrir et néglige son chauffage et ses besoins pour que « eux au moins, ils mangent à leur faim ».
Jusqu’à ce que la nouvelle remonte aux oreilles d’une association de protection animale ; alors, un formidable tissu de solidarité va naître : l’association stérilise les chats, offre de la nourriture collectée en supermarché, et les réseaux s’activent par le bouche à oreille, l’homme pourra se rendre à Promo Soins, pour obtenir une paire de lunettes dont il a besoin depuis des années, le Lien 83 apportera la chaleur et la distraction dans sa maison grâce au don d’un poêle et d’un petit téléviseur…
C’est une histoire banale, comme il en existe tant d’autres, mais à elle seule, elle prouve qu’une coopération est possible pour travailler main dans la patte !
Hospitalisation
L’hospitalisation pose également un réel problème. Les personnes en situation de précarité ont du mal à l’accepter lorsqu’elles n’ont pas de solution de garde pour leur animal de compagnie, faute de ressources financières et même (hélas !) de relations humaines, amis ou famille… « Cette préoccupation a amené un collectif multi-partenarial composé d’un médecin, de vétérinaires, de représentants institutionnels et associatifs ainsi que de travailleurs médico-sociaux et du monde animal à mettre en place en 2011, pour le département de la Savoie, le dispositif PACHA, solution palliative en cas d’hospitalisation.
Un bénéficiaire du dispositif a déclaré : « Lors de ma dernière hospitalisation, il fallait toujours que j’aille voir mon chien qui restait dans ma voiture. Cette fois je sais qu’ils [les chiens] sont bien pris en charge ». Pourtant, lors de sa création, ce projet a suscité des interrogations voire des scepticismes, d’une part à propos de l’aide financière – certains professionnels refusant « l’idée que des animaux profitent de subventions alors qu’[ils] ont du mal à trouver de l’argent pour les gens dont [ils] s’occupent » – et d’autre part sur la place de l’animal de compagnie, vécu par certains intervenants comme objet plutôt que comme sujet, et considéré comme une charge supplémentaire dont on pourrait se passer.
Cette dernière position ignore combien l’hospitalisation perd de ses bienfaits lorsque le maître est préoccupé du bien-être de son animal. »
La mort
Mais la vie va vite, trop vite… 12 ans, 14 ans… Combien de vies de chien, de chat ou autre animal dans une vie d’homme ? Le sans-abri va être confronté à la mort de son compagnon : il se sent abandonné et il éprouve cette sensation que rien ne pourra le remplacer. C’est une vraie douleur, un véritable deuil.
Un jour, un homme qui pleurait son chien nous demanda : « Et ton bon Dieu, tu crois qu’il aime mon chien ? Tu crois qu’il a fait un Paradis pour les animaux ? Parce que, tu sais, mon Titus, il a fait plus pour moi dans sa petite vie que beaucoup de personnes depuis des tas d’années. »
Ce grand chagrin si sincère était teinté d’une lueur d’espoir : l’amour fait se prolonger la vie par-delà la mort, et ce fil ténu qui le maintenait debout ne pouvait pas se rompre comme cela. Non, cet attachement réciproque avec le seul être au monde ayant une vraie relation avec lui ne pouvait pas être totalement anéanti.
Et nous le savons aussi : l’animal est capable de souffrir de la mort de son maître, jusqu’à se laisser mourir à son tour.
« Et il (le clochard) est mort de froid… Et y avait personne, pas d’amis, pas de copains. Y avait son chien qui lui disait : « Je ne veux pas te quitter, je suis bien avec toi, je te jure et je t’aime. Alors, reste, reste, t’en vas pas, dis, t’en vas pas… Et tu sais, on aura des moments formidables tous les deux toi et moi. Rappelle-toi, je t’ai tenu chaud des fois ! Allez, viens, viens, viens ! Ah oui, j’suis-t-y bête, j’oubliais que tu es mort… » D’un auteur inconnu.
Les jeunes de la rue
Ils ont entre 14 et 30 ans, des parcours parfois incroyables, des origines sociales très diverses. Le jeune errant se reconnaît souvent à son treillis, son sac à dos et ses piercings. Son portrait et celui de l’adulte ne sont pas superposables. Son chien est de taille plutôt importante et robuste, il contribue essentiellement à le valoriser ; chien trouvé ou donné par un maître pressé de s’en débarrasser, il appartient plutôt aux catégories 1 ou 2, dites de garde, de défense ou d’attaque, ce n’est jamais « un chien de manchon » !
Il est, comme pour les autres sans-abri, une présence rassurante, un compagnon qui permet de vivre à la rue sans se laisser complètement détruire par l’alcool, la drogue ou bien la dépression qui mène au suicide. La violence reste malgré tout l’écueil principal. Pour beaucoup, elle permet de survivre aux regards, aux paroles méprisantes et aux leçons de morale du genre : « Moi à votre âge, j’étais au boulot depuis longtemps ! », toutes attitudes qui font fi des manques affectifs, des ruptures familiales, des blessures d’enfance inguérissables…
« Cela fait plusieurs années que je n’ai pas vu ma mère, elle ne sait même plus où je suis et je suis sûr qu’elle ne me cherche même pas ». Les jeunes errants n’ont pas souvent l’étoffe d’un fils prodigue… et certains parents ont la rancune tenace… Mais on voit souvent maintenant un rat qui sort la tête d’une poche ou d’un blouson !
Contrairement aux idées reçues, le rat est propre et facile à entretenir. Victime de la mauvaise réputation de son cousin le « rat des villes », il n’est ni agressif, ni dégoûtant, mais plutôt sociable et tranquille, curieux et intelligent. Et il ne coûte pas cher à nourrir !
Un peu partout, on essaie maintenant de prendre en compte l’existence des compagnons d’infortune des personnes en précarité. Car il n’y a pas que les personnes de la rue qui sont concernées : l’animal de compagnie représente le dernier lien qui reste à celui ou celle qui est isolé, désocialisé, âgé, oublié. Reconstruire grâce à lui une « relation d’humain à humain », c’est leur permettre de retrouver un peu de vraie vie.
Chien, chat, lapin, rat, furet ou cochon d’Inde, «animal d’assistance, voire de sauvetage » chacun a une place de choix dans des vies disloquées. On dit parfois « il ne lui manque que la parole » : par son langage à lui, il dépasse toute parole et fait mieux que nos pauvres mots humains.
Quelques exemples d’ initiatives inspirantes
Depuis mars 2018 : à Lille une maraude spéciale vient en aide aux animaux des SDF avec l’association « Sans toit ni loi ». Pour cette maraude, sont présents également l’association des étudiants vétérinaires de Gand, deux ostéopathes canin/félin, un étudiante ostéopathe, la vétérinaire de Happyvet et son assistante, une étudiante vétérinaire de Liège, deux toiletteuses, les bénévoles de l’association Vet Dispensaire.
A Paris, sur les bords de Seine, la péniche « Le Fleuron – St Jean » créée par la Fondation 30 millions d’Amis et l’Ordre de Malte fête ses 15 ans. En 1998, l’Ordre de Malte France s’était lancé dans un projet novateur : transformer une ancienne péniche en centre d’hébergement d’urgence pour les sans-abri accompagnés de leur chien. Le Fleuron Saint Jean ajoute maintenant à sa mission d’hébergement l’accompagnement et la réinsertion, avec l’aide de 80 bénévoles et 11 salariés
A Strasbourg : Strasbourg Action Solidarité a lancé une cagnotte solidaire pour subvenir aux besoins des animaux de compagnie des SDF tant au niveau de la nourriture que des soins vétérinaires.
A Avignon (Vaucluse), Défi Gamelles apporte une aide alimentaire régulière (croquettes, friandises, etc) , vétérinaire (anti-parasitaire, vermifuges, médicaments, etc) et matérielle (couvertures, gamelles, etc) aux animaux des personnes les plus démunies ou sans domicile fixe. Elle prend en charge l’identification, les vaccinations et les soins des animaux, elle lutte contre la solitude des personnes en prenant soin de leur compagnon et apporte également une aide alimentaire et matérielle ponctuelle aux associations animalières en difficulté.
Ici, dans le Var, la Société Protectrice des Animaux, la Fondation Assistance aux Animaux et Vétérinaires pour Tous (Fondation 30 millions d’Amis) ont ouvert des dispensaires qui accueillent les personnes aux ressources insuffisantes et offrent tous les soins nécessaires à leurs animaux. Leur but : « rendre aux propriétaires leur dignité de maître responsable et protecteur ».
En guise de conclusion
« Ce qu’il y a de terrible, c’est que, souvent, trop souvent, nous remarquons d’abord le chien et, ensuite, par effet de ricochet, l’homme qui est à ses côtés, sur le trottoir. Le chien est, en quelque sorte, le dernier trait d’union entre l’homme qui a tout perdu, et auquel on dénigre même parfois le statut d’être humain, et le reste de l’humanité. C’est un lien fragile, ténu, mais il ouvre une brèche ».
Ne nous « crispons » pas uniquement sur les contraintes ou les effets néfastes parfois liés à la présence d’animaux de compagnie chez un public en précarité, mais prenons en compte les contextes et les situations, considérons l’individu en tant que tel, avec sa vie à lui et vivant parmi ses semblables, même si ses lieux de vie ne sont que des coins de rue, des parkings, des porches d’église, des portes de magasins, de cinéma, etc…
Chez beaucoup de personnes très pauvres, on constate que leur propre pauvreté ne les empêche pas d’accueillir un animal qu’elles jugent encore plus malheureux qu’elles. Quand la misère animale rejoint la misère humaine, cela produit souvent de vrais petits miracles…
Quelqu’un a écrit : « Il y a toujours de la place dans la maison quand il y a de la place dans le cœur ».
En rédigeant cet article, je pensais à tout ce que l’animal peut donner sans compter à celui pour qui il est devenu tout simplement QUELQU’UN, c’est-à-dire une raison de vivre. Peu importe l’apparence : aveugle, estropié, handicapé ou malade mental… l’animal se moque de ce à quoi vous ressemblez, se moque de ce qui fait hésiter ou reculer les autres, se moque des langages incompréhensibles. Il vous saute dans les bras, sur les genoux, vous lèche, ronronne, aboie, fait la fête… en un mot, il vous change la vie en vous touchant le cœur.
Les animaux savent être des « guérisseurs ». Qui n’a jamais entendu parler de la Ferme de Faucon, créée en 1974 par le P. Guy Gilbert, le curé des loubards ? « Aimons ces bêtes qui nous rendent humains », écrit-il, en toute connaissance de cause, après tant d’années vécues auprès de tous les « cabossés de la vie ». Du dauphin au cheval, en passant par le chien, le chat, le rat, le furet, la tortue, le singe, le poisson rouge et tous les animaux de la terre, chacun fait partie de ce tout qui nous entoure et dont nous avons à prendre soin.
Dans son encyclique « Laudato si », le pape François exprime deux pensées que nous pouvons faire nôtres : « Il serait erroné de penser que les autres êtres vivants doivent être considérés comme de purs objets soumis à la domination humaine arbitraire… « Le sentiment d’union intime avec les autres êtres de la nature ne peut pas être réel si en même temps il n’y a pas dans le cœur de la tendresse, de la compassion et de la préoccupation pour les autres êtres humains. »
Et pour sourire un peu, ce mot de Mark Twain : « Si c’est au mérite que l’on entre au Paradis, alors mes chiens y entrent, et moi je reste dehors. »
Par Aline Racheboeuf et Delphine Dumont, auteures au service communication de l’UDV.