La médiation animale au service des plus fragiles
Dans le cadre des maraudes de Promo Soins – UDV Toulon Métropole, une nouvelle pratique s’est développée : la médiation animale. Oxford, Border collie de 7 ans, accompagne désormais une partie de l’équipe mobile pour faciliter le lien avec les personnes en grande précarité. Nous avons rencontré Raphaëlle Bodet, l’assistante sociale qui a initié ce projet innovant.
Raphaëlle, si vous deviez expliquer la médiation animale au grand public, comment la définiriez-vous ?
La médiation animale c’est pour moi l’utilisation d’un animal, chien, chat, cheval ou autre, comme outil professionnel pour atteindre des objectifs avec un public spécifique. Par exemple, certains chiens accompagnent des personnes en situation de handicap moteur pour aller à la mer, avec des objectifs d’estime de soi, de confiance, ou d’autonomie. Dans mon cas, avec un public en grande précarité et grande marginalité, le chien devient un facilitateur de lien. Le simple fait de caresser l’animal peut réduire l’anxiété et aider à calmer des situations de tension et à apaiser des personnes en crise. Un animal peut réveiller une confiance qui n’existe pas spontanément face à un professionnel, surtout avec un public en grande marginalité qui parfois fuient les institutions. De plus, la médiation animale soutient les personnes vivant avec des troubles anxieux ou avec un stress post-traumatique ou des vécus traumatiques liés à la rue. Elle favorise la reconstruction de l’estime de soi en offrant une interaction positive, non jugeante. L’animal permet souvent un meilleur engagement dans la relation d’aide et une plus grande ouverture à discuter de problèmes personnels.
Une anecdote qui dit tout : « Sans Oxford, on n’aurait rien pu faire »
Avez-vous un exemple concret de ce que cela peut changer dans une intervention ?
Oui. Une fois, nous rencontrons une dame en situation d’incurie physique, complètement mutique. On essaye tous les outils : santé, boisson chaude, cigarette… rien. Mon chien est dans la voiture. Je vais le chercher. Je lui dis d’y aller, il n’agit jamais sans ordre. La dame s’approche immédiatement, l’embrasse. Il lui fait un petit bisou sur le visage. Et là, ses premiers mots : « J’adore les chiens. » De fil en aiguille, elle nous dit qu’elle est en fugue d’un foyer. Nous appelons le foyer, nous la ramenons. Sans Oxford, on n’aurait rien obtenu. Peut-être même qu’on aurait dû appeler la police pour vulnérabilité. L’animal a tout changé.

Vous estimez que le chien aide à faire tomber les barrières ?
Oui, complètement. Mais les objectifs varient selon les contextes. Dans notre équipe mobile, c’est pour créer du lien. Dans d’autres structures, comme les crèches, la médiation animale peut viser le développement moteur des enfants, la prévention des morsures ou la déconstruction de peurs liées aux chiens, souvent transmises par les parents. Face à un chien, un enfant peut progresser plus vite que face à un jouet.
« L’animal agit dans le travail d’aller vers »
Comment se passe cette médiation en maraudes ?
Je m’adapte à chaque situation. Je n’amène pas Oxford si une personne a un traumatisme lié aux chiens. Je ne l’amène pas quand quelqu’un est accompagné de chiens agressifs, là il reste dans le camion pour sa sécurité. Je ne l’amène jamais le soir : je ne veux pas qu’il devienne un chien de sécurité. Ce n’est pas son rôle. L’animal agit surtout dans le travail d’aller-vers, car la rue est un espace intime pour les personnes. L’animal rend notre présence moins intrusive.
Est-ce que la médiation animale pourrait avoir lieu dans les locaux du centre de soins de Promo Soins ?
Pour l’instant non, Oxford est uniquement dédié à l’équipe mobile. Mais cela pourrait évoluer, notamment lors des ateliers santé où la parole est parfois bloquée. Si les psychologues trouvent que l’animal peut faciliter l’expression, on pourrait l’envisager.
Note de la rédaction : Sur les établissements santé gérés par l’association, la Direction autorise les soignants qui le souhaitent à venir avec leurs animaux et une infirmière va à son tour passer l’ACADED et la réflexion est en cours sur l’utilisation de la médiation animale.
« Je suis assistante sociale, et la médiation vient en plus »
Quel est votre rôle dans l’équipe ?
Je suis assistante sociale de formation. Je garde ce rôle dans l’équipe mobile : démarches administratives, coordination avec les partenaires, soutien technique aux collègues, représentation de l’équipe auprès des institutions. Et je suis aussi coordinatrice de l’équipe mobile, en plus de la médiation animale.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans la médiation animale ?
Quand je suis arrivée à Toulon, je me promenais souvent avec Oxford. Et je voyais à quel point les personnes de la rue étaient attirées par lui. Je discutais avec elles sans même être en intervention, c’était naturel. Je savais que mon chien avait besoin de travailler, c’est une particularité de sa race. Il est très bien dressé. Je me suis dit que c’était dommage qu’il reste à la maison toute la journée alors qu’il pouvait aider. J’ai proposé l’idée à ma direction, qui m’a immédiatement suivie. Le vrai déclic a été une intervention avec une personne souffrant de troubles psychiatriques sévères. Elle risquait de se battre après une agression verbale. Le chien a complètement apaisé la situation. On a évité un incident grave, et la personne a pu ensuite rencontrer sa tutrice sereinement. Là, j’ai su qu’il fallait qu’on développe ça.

Oxford, un chien vraiment fait pour ça
Vous avez dû suivre une formation ?
Oui. Il existe une certification indispensable : l’ACACED, délivrée par le ministère de l’Agriculture. Elle est nécessaire pour la médiation animale, les éducateurs canins, les pet-sitters et les professionnels travaillant avec des animaux. C’est une formation dense : législation, éthologie, comportements, races, etc… C’est essentiellement théorique. Pour la médiation animale plus poussée, il existe des formations complètes avec stages et mémoire, que je pourrai faire.
Parlez – nous d’Oxford…
C’est un border collier de 7 ans. Je travaille avec lui depuis octobre 2024 : au début en « one shot », maintenant de manière officielle depuis que j’ai obtenu l’ACADED le 15 septembre. Tous les chiens ne peuvent pas devenir chiens de médiation. Un chien doit pouvoir « se tenir » une bonne heure, être stable émotionnellement, accepter d’être manipulé, tiré sur ses oreilles, être patient…Un chien qui décroche au bout de 15 minutes ne peut pas faire ce métier. Oxford, lui, est entièrement fait pour ça.
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