Providence : un défi ecclésial, technique et partenarial
Providence, un laboratoire social pour l’Eglise
Le 30 décembre 1987, réactualisant l’encyclique Populorum progressio de Paul VI, parue 20 ans plus tôt, le Pape Jean-Paul II adressait « à tous les hommes de bonne volonté » une lettre sur la question sociale et le développement, en écho aux enseignements du Concile Vatican II (1962-1965) :
« La solidarité n’est pas un sentiment de compassion vague ou d’attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire, c’est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun ; c’est-à-dire pour le bien de tous parce que tous, nous sommes vraiment responsables de tous. »
Expression vivante et concrète de la Diaconie de Fréjus-Toulon, c’est ainsi que l’on peut qualifier la vie actuelle de la Maison Providence depuis sa création. Une maison faite de matériaux, certes, mais aussi d’hommes, de femmes et d’enfants, l’âme même du lieu.
Quatre enjeux pastoraux, vécus en lien avec la multiplicité des acteurs de la société civile, se sont fait jour au moment de son « élaboration » :
- Sauver la maison diocésaine Providence comme expression de la Diaconie,
- Susciter le débat sur le logement social, parent pauvre de l’habitat,
- Impliquer l’Eglise diocésaine dans le projet de rénovation urbaine, et montrer sa compétence dans l’aménagement du territoire,
- Mettre en cohérence l’action caritative diocésaine. Parier sur la capacité à travailler et vivre ensemble.
Inventer un lieu où cohabiteraient locataires de logements sociaux, communauté de religieuses, prêtres, salariés, accueillis sans-abri, restaurant… sous le regard bienveillant du Locataire éternel de la Chapelle, il fallait y penser… puis il a fallu oser… contre vents et marées.
« Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance, et je n’en reviens pas : cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout ». Je crois que tout est là.
La solidarité, le service, le regard sur le plus faible ne se font pas à grands coups d’envolées lyriques et tonitruantes mais « dans le murmure d’une brise légère ».
Le défi à relever n’était pas dans les paroles mais dans des actes et des actions, à poser un à un : en même temps que la construction se faisait – avec tous ses corps de métiers – il fallait que les esprits et les mentalités se construisent, réfléchissant à cette mixité encore jamais vue, et élaborant jour après jour, heure après heure, les réponses aux innombrables et inéluctables questionnements.
Vivre à la Maison Providence, premier paramètre…
Vivre ensemble, premier défi… ce mot « ensemble », c’est l’un à côté de l’autre ou bien l’un avec l’autre ?
De ce qui pouvait paraître comme un assemblage de personnes et de situations, l’harmonie devait naître : comme dans une œuvre déchiffrée par un orchestre, il y aurait des fausses notes, des ratés, des dissonances.
La Providence-chef d’orchestre sait bien que la perfection n’est pas de ce monde… et que l’humilité est souvent l’huile des rouages.
A chacun, elle dit depuis 7 années : « N’oublie pas de joindre ton savoir-être à ton savoir-faire, » De la rencontre naît l’écoute, la vraie. Pas facile d’en faire une attitude permanente, et pourtant c’est de cela que peut éclore « un art de vivre en frères », un art de vivre en confiance avec celui que je croise dans l’escalier, dans l’ascenseur, devant les boîtes aux lettres ou dans le parking.
Chaque musicien de l’orchestre est bien obligé de faire confiance à son voisin sinon c’est la cacophonie !
Et aussi un défi technique…
Une mobilisation fructueuse…
La réussite de la longue phase de préparation du projet Providence a reposé largement sur la précieuse implication bénévole de professionnels compétents et complémentaires.
André Gillet, chargé de projet immobilier bénévole pour l’UDV, a donné beaucoup de temps pour la réussite de ce projet. Il nous expose ici la démarche qui a consisté pour lui à réunir les conditions techniques de la réalisation du projet, avec le souci de laisser la première place à ses enjeux pastoraux et humains.
« Grâce à un partenariat exemplaire avec la ville de Toulon et TPM ainsi qu’avec la congrégation des Filles de la charité, nous avons pu aboutir à une assiette foncière cohérente permettant la requalification urbaine de ce quartier, tout en libérant des possibilités pour, à la fois installer Les amis de Jéricho dans un cadre rénové qui sera garant d’un meilleur accueil pour les personnes qui y travaillent comme pour les personnes accueillies, y positionner le centre ressources de l’UDV qui coordonne plus de trente associations œuvrant contre l’exclusion sous toutes ses formes, ainsi que des logements à vocation sociale qui, sur Toulon, concernent 70% de la population salariée qu’elle soit issue du secteur privé ou public.
Donc un projet tout à fait cohérent dans son ensemble, avec une démarche solidaire qui m’a intéressé […] On essaie de développer dans ce quartier des valeurs de fraternité, d’entraide et de solidarité qui sont à l’opposé de la tendance actuelle prônant la performance et la réussite individuelle. L’intérêt est d’avoir un signe de rassemblement, de convivialité accueillant « l’autre » sans distinction de race et de culture. »
Source : dossier spécial sur la Maison Providence paru dans le mensuel diocésain Eglise Fréjus-Toulon (EFT) d’octobre 2008.
Un partenariat inédit
La diversité des partenaires impliqués dans le projet révèle une réelle volonté de concertation, c’est l’une de ses grandes forces.
Une pluralité de partenaires
Pour la petite histoire, tout a commencé par un échange de parcelles de terrain entre la communauté d’agglomération TPM et l’association diocésaine. Dans un contexte de renouveau urbain, l’évêché avait envisagé la réalisation d’une opération mixte de logements sociaux et de réinstallation des structures diaconales associatives et diocésaines dans un cadre multi-partenarial avec : la Mairie de Toulon, la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée (TPM), le Conseil Général, l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), le Conseil Régional, la Congrégation des filles de la charité, l’Union diaconale du Var (UDV), EDF et Erilia (voir encadré plus bas).
Cette opération devenait ainsi le témoin de la solidarité entre la diaconie diocésaine, la société civile et les collectivités locales concernées par :
- le devenir urbain du quartier Saint-Jean du-Var,
- la nécessaire promotion de la justice sociale,
- la mise en œuvre du Plan Local de l’Habitat,
- le relogement de certaines familles du centre-ville concernées par les programmes de l’ANRU et le relogement de familles expropriées dans le cadre de la réalisation du TCSP.
Une complémentarité des structures associatives
La mixité de l’opération immobilière tenait également au fait de prévoir la cohabitation, dans le même espace, de structures associatives et de logements privés. C’était un pari sur la capacité à vivre ensemble et vivre concrètement la solidarité au quotidien. Le fait d’installer le restaurant social au rez-de-chaussée de la maison invite encore plus à la convivialité, au désenclavement des services, à la mixité sociale et à la rencontre.
Les structures associatives qui collaborent au projet sont :
- L’accueil de jour des Les Amis de Jéricho.
- Le secrétariat général de l’Union diaconale du Var (UDV).
- Certaines associations membres de l’UDV qui y ont domiciliées leur siège social.
- La Fraternité Saint-Laurent, responsable de l’animation de la chapelle.
Une mixité de logements
La création de logements a également été pensée de manière à favoriser la mixité sociale. Le projet final prévoyait ainsi la construction de 59 logements parmi lesquels :
- des logements sociaux de 3 types différents (PLAI, PLUS et PLUS CD),
- des logements pour les prêtres et religieux retraités,
- des logements libres,
- des logements pour les actifs de la fonction publique.
Dès les prémices, le multi-partenariat s’est imposé et il est finalement devenu la pierre d’angle du projet.
Aller au-delà du débat sur le logement social et agir ensemble profitait à chacun des partenaires :
- en s’impliquant, l’église diocésaine met en valeur les enjeux humains de cette rénovation urbaine,
- les associations apportent leur expérience du terrain, leur expertise par les actes, et leur conscience quotidienne d’une rénovation urbaine qui concerne, au-delà du bâti, des hommes et des familles.
- les collectivités sont maîtres d’œuvre de la rénovation urbaine et apportent leur expertise technique, leur professionnalisme et leur efficacité…
Ce sont toutes ces volontés, mises au service d’un même objectif, qui ont permis que le « projet immobilier un peu fou de la maison Providence » devienne une réalité.
Source : plaquette 2010 présentant le projet Providence.
Une véritable aventure dans laquelle la Société ERILIA s’est s’investie largement
ERILIA, Entreprise sociale pour l’Habitat, est une des plus importantes de France. Elle appartient au Groupe Habitat en Région, avec pour ambition de « servir la cause de l’habitat social en plaçant l’humain au cœur de sa stratégie et de toutes ses actions ».
Son patrimoine qui approche les 70 000 logements (dont plus de 38 000 en région PACA) en fait un acteur engagé : permettre au plus grand nombre de pouvoir accéder à un habitat de qualité – neuf ou réhabilité – pour le plus juste prix, tel est son but.
Et la mission de syndic social est extrêmement importante autant pour la cohabitation que pour la gestion des biens. Frédéric Lavergne, directeur général, précise : « Nous ne sommes plus de simples logeurs/bâtisseurs de résidences. Un bailleur est un vecteur de cohésion sociale. »
Réseaux de solidarité, vie sociale, rien ne doit être négligé dans la mise en œuvre d’un projet de construction.
Eléments rassemblés par Aline Racheboeuf, auteure bénévole pour IOTA, et Christophe Parel, responsable communication de l’UDV