« Je suis tellement bien avec eux »

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Bénévole au sein de l’UDV depuis plus de 30 ans, Raymonde Hugonnier est le symbole de l’engagement associatif désintéressé qui fait la force et la particularité de l’Union. Alors qu’elle vient de fêter ses 90 ans et qu’elle est toujours particulièrement investie dans notre groupement, elle a accepté, pour Iota, d’ouvrir la boite à souvenirs et de revenir sur 3 décennies de lutte contre la précarité et l’exclusion, particulièrement dans l’association Promo Soins – UDV.

Raymonde, comment avez-vous intégré le groupement UDV il y a 32 ans ?

C’est bien entendu Gilles Rebêche qui m’a contactée (sourire). Mon fils avait suivi une aumônerie sur le secteur Ollioules-Evenos-Le Beausset-La Cadière. L’un des parents de ces jeunes était trésorier de l’UDV. Quand l’Union a voulu développer son action santé en lançant Promo Soins, il y eu un besoin de création d’un cabinet dentaire, les personnes à la rue souffrant particulièrement de pathologies bucco-dentaires. Donc le père d’amies de mon fils lui a dit s’il connaissait une dentiste qui pourrait donner un coup de main. Cette dentiste c’était moi : j’avais un cabinet dentaire à Toulon.

Raymonde Hugonnier en compagnie de Thierry O’Neill, président de l’UDV de 2014 à 2024, lors de la dernière assemblée générale de l’Union, le 18 juin 2024.

Vous avez donc rencontré Gilles…

Oui. Rendez-vous avait été fixé à la cafeteria du supermarché Casino de Bon Rencontre, à Toulon. Gilles m’a expliqué le projet. Je ne le connaissais pas, je ne connaissais pas l’UDV et je n’avais jamais pris part à de la vie associative. Il a été convaincant, comme d’habitude, et je lui ai dit « ok ». C’était en 1992. Pendant 2 ans nous avons monté le cabinet dentaire en récupérant du matériel auprès de confrères ou en essayant de le trouver à un prix compétitif. À son ouverture, je venais de prendre ma retraite et j’étais disponible pour assurer des vacations deux jours par semaine avec deux autres confrères. Ensuite, la relève, et d’autres activités m’ont incitée à « rendre le tablier » en 2006 pour revenir en septembre 2008 où notre cher directeur, José Garcia, m’a proposé d’assurer l’accueil des patients.

« J’ai pris conscience de la force et de la cohérence de l’UDV »

Et en 2009, vous prenez la présidence de Promo Soins – UDV…

Effectivement. Le président de l’association, le docteur Raillat, qui avait accepté d’être président pour un an, arrivait à la fin de son mandat, qui finalement avait duré trois ans ! Il laissait le poste vacant, personne au sein du Conseil d’administration ne voulant prendre sa suite. On m’a donc proposé de lui succéder. Je n’y connaissais rien mais j’ai bien voulu essayer en disant que si cela n’allait pas, il fallait me le dire et que partirai. Cela s’est avéré facile car les financeurs nous faisaient confiance.  Cela a été pour moi l’occasion de découvrir l’ensemble de l’Union et d’en prendre la mesure. J’ai donc demandé au directeur de m’emmener dans toutes les associations. Je me suis rapproché de certaines d’entre elles, de Kaïré – UDV ou des Amis de Jéricho – UDV pour laquelle je me suis mise à faire les sandwichs et quelques fois, la tournée. J’ai apprécié le fonctionnement de Siloë, la branche psychiatrique de Promo Soins Toulon – UDV en partenariat avec le CHITS. Une collaboration association – centre hospitalier unique en France à l’époque ! On a fait les choses, ce n’était pas facile, il fallait parfois bricoler mais on les a faites.

Aviez-vous idée d’un tel tissu associatif ?

Pas du tout ! J’ai pris conscience de la force et de la cohérence de l’UDV. Et même de la force du travail associatif sur l’ensemble de l’aire toulonnaise avec des acteurs membres de l’UDV ou pas. En 2013, le Samu Social de l’Aire Toulonnaise était en difficulté et on m’a demandé de prendre les rênes jusqu’à sa dissolution pour construire un accueil plus large et confortable aux Favières. Puis, Solidarités Aire Toulonnaise a été créé pour mettre les associations du secteur en lien : j’en ai pris la présidence en succédant à Dominique Christophe. Dans le domaine de la santé, j’ai vu se créer Promo Soins à Brignoles, également à Hyères avec En Chemin, l’extension des Lits Halte Soins Santé, la création des appartements de coordination thérapeutique dans des établissements de Logivar – UDV, l’Équipe Mobile Précarité Santé (EMPS), les Lits d’Accueil Médicalisé (LAM) dans l’enceinte de l’hôpital Léon Berard, et bien d’autres actions encore, vu la multiplicité des différentes missions de nos associations. L’UDV intervient sur tellement de champs ! 

Raymonde Hugonnier en compagnie de l’ancien directeur de Promo Soins – UDV, José Garcia.

Vous avez également été vice-présidente de l’UDV…

Administratrice de l’UDV sous la présidence à l’époque de Jean-Michel Permingeat, puis de Thierry O’Neill, j’ai été secrétaire de bureau, vice-présidente, et maintenant chargée de mission sur la Dracénie, dont le Hameau St François et le territoire de Sud Sainte Baume avec la Maison des Frères – UDV. Mais tout cela, ce ne sont que des titres, l’important c’est de rester engagé bénévolement pour l’UDV. Et j’ai toujours eu la chance d’être entourée de gens capables, compétents, sur lesquels je pouvais m’appuyer.

« Bénévoles et salariés sont complémentaires. C’est LA vraie richesse de l’UDV ».

Quel regard portez-vous sur l’UDV, 32 ans après ?

Je me dis que la marmite a bien grossit. J’ai vu des associations naitre, d’autres mourir, d’autres évoluer, des projets aboutir, d’autres non. Mais c’est ça la vie associative. Il faut une certaine audace pour lancer certains projets. Je pense à la Résidence Solidaire Les Favières. Ce n’était pas gagné. Mais on l’a fait ! Il faut savoir prendre des risques, se lancer, et puis voir après et avancer. Parce que sinon on ne fait jamais rien. J’ai constaté au fil des ans que l’UDV se structurait, se professionnalisait. Une professionnalisation obligatoire parfois, à la demande des financeurs en particulier, et c’est bien normal. Mais attention ! Ne devenons pas des prestataires de services qui ne répondraient qu’à des appels à projets. Gardons cette force qu’est notre bénévolat et notre capacité à créer. Bénévoles et salariés sont complémentaires. C’est LA vraie richesse de l’UDV. La personne accueillie est au centre et nous, bénévoles et salariés, sommes-là pour la servir. Par nos compétences professionnelles, par notre personnalité et par notre temps disponible. En fait, l’UDV est une grande famille, une grande respiration avec un cœur immense. C’est tout simplement la Vie, avec ses joies, ses peines et quelques fois, ses déboires … Mais je crois que, comme depuis 40 ans, tant que des pauvres crieront elle répondra présente.

Que vous a apporté ce bénévolat ?

Déjà une joie. C’est un vrai bonheur de s’engager et de vivre cet engagement avec d’autres bénévoles qui partagent cette joie avec ceux qui sont sur le bord de la route, que l’on voit se redresser, retrouver une vie normale et parfois même devenir les serviteurs de leurs compagnons d’infortune… Mais à condition de le faire sérieusement ! Comme toute chose dans la vie, il faut le faire sérieusement et savoir mettre les mains dans le cambouis ! Quand on s’engage, on s’engage ! Puis des rencontres avec des personnes exceptionnelles. D’une modestie incroyable alors qu’elles ont un CV long comme le bras et des compétences de très haut niveau. Quand vous voyez ces personnes-là se mettre au service des associations de l’UDV avec une telle simplicité, cela force le respect. 

Vous avez fêté vos 90 ans le 16 juillet dernier… Vous poursuivez votre bénévolat à l’UDV ?

Ah oui ! Je le fais différemment, c’est normal, parce que je n’ai pas la même énergie qu’il y a 32 ans. Mais je reste au service de l’Union et de ses associations. Cela me maintient en éveil. Puis c’est tellement enrichissant intellectuellement et socialement ! Je n’imaginais jamais intégrer une association. Encore moins y avoir des responsabilités. Les choses se sont faites au fur et à mesure… Je suis d’une relative inconscience, d’un certain optimisme et d’une vraie confiance envers ceux qui m’accompagnent. Je n’ai jamais imposé ma présence. J’ai toujours pris ce que l’on me proposait en me disant que si on me le proposait, c’est que je devais essayer de le faire. Je vais vous faire une confidence… Il y a peu je me suis dit : « et si tu t’arrêtais ? ». Puis je me suis répondu à moi-même : « Oh ! je suis quand même tellement bien avec eux, tant qu’ils m’acceptent…».


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