Garrigues : favoriser l’implication de tous
La « famille » Garrigues
0Garrigues est une association membre de l’Union Diaconale du Var (UDV). Basée à Saint Maximin la Sainte Baume, elle agit sur les territoires de la Provence Verte et du Haut Var Verdon. Ses nombreuses actions (épicerie, garage, jardin et covoiturage solidaires, aide à la mobilité…) sont toutes guidées par un principe : agir ensemble via l’implication concrète des personnes impliquées et des salariés, en un mot, la participation de tous !
Située au 164 de la traverse Saint-Jean, à Saint Maximin, « patrie » de Sainte Marie-Madeleine, Garrigues est une association atypique. Son « QG » n’est pas constitué de bureaux comme on a l’habitude d’en voir : il consiste en un petit village de bungalow placés en cercle, à l’image d’un village « indien » comme on en voit dans les Westerns.
Et au milieu, se trouve une esplanade faite d’une terrasse en bois, qui se veut telle une « agora » pour les échanges et les rassemblements conviviaux. La convivialité est en effet un des maîtres-mots de l’association, avec la participation, et ceci on le sent dès notre arrivée.
« Vous êtes les bienvenus ! » s’enthousiasme Mireille, une personne impliquée en charge de l’accueil. D’emblée, son large sourire et sa bise franche nous mettent à l’aise. Nous sommes jeudi, c’est le jour où de nombreuses personnes se rassemblent à Garrigues, pour partager un repas convivial souvent préparé par Philippe Blanc, le président de l’association ! Et en effet, ce jour-là, on va se régaler !
Aujourd’hui, ce n’est pas le président qui cuisine, mais les femmes impliquées. Et pour cause : Philippe Blanc se rend disponible pour nous accueillir et nous présenter l’association, en compagnie de son jeune et charismatique directeur, Mathieu Galand.
Ensemble, ils nous présentent leurs activités et leur philosophie d’action, en répondant à nos questions.
Pouvez-vous nous présenter votre association ?
« Garrigues existe depuis 2004 et compte aujourd’hui 15 salariés, et 70 personnes impliquées. L’objectif est de vivre autant que possible, avec toutes les activités développées au sein de l’association, 4 dimensions fondamentales :
- Développer des activités qui répondent concrètement à des problèmes auxquels sont confrontées les familles et les personnes qu’on accompagne.
- A partir de la résolution de ces problèmes, proposer un accompagnement global aux personnes accompagnées grâce à une équipe de travailleurs sociaux.
- Permettre aux personnes qui le désirent de mettre leurs compétences et leurs savoir-faire au service des différentes activités proposées.
- Vivre autour de tout ce travail d’accompagnement un contexte de lien social, de convivialité et de rencontre dans les différents espaces. »
Concrètement, que proposez-vous aux personnes accompagnées ?
« Garrigues propose différentes actions :
- Une épicerie solidaire itinérante, cogérée par les personnes impliquées, qui se déplace tout au long de la semaine dans 5 communes environnantes. Cette supérette propose 350 références, et elle permet aux familles qui en bénéficient de réaliser une économie sur leur budget alimentation, tout en étant accompagnées par une Conseillère en Economie Sociale et Familiale (CESF). L’épicerie est un lieu de professionnalisation pour les personnes impliquées. 300 ménages en bénéficient chaque année, soit environ 1500 personnes !
- Une plateforme multi-services pour favoriser l’amélioration et l’appropriation de l’habitat à travers la fourniture de meubles, d’électro-ménager ou de petits bricolages à domicile. Son objectif est aussi de valoriser les compétences et les savoir-faire des personnes impliquées. Les personnes qui en bénéficient sont toutes orientées par un travailleur social, et sont en difficulté dans leur logement. 300 personnes en bénéficient chaque année. Pour bénéficier de ces services, elles versent une participation symbolique, en fonction de leurs moyens.
- Une plateforme d’aide à la mobilité qui regroupe plusieurs axes : un site de covoiturage solidaire, du transport à la demande, une mise à disposition de véhicules, l’aide à la reprise de conduite avec un véhicule double commandes, et un garage solidaire. L’objectif est de favoriser la mobilité de celles et ceux qui en ont le plus besoin. L’association dispose d’un parc d’environ 60 véhicules : 30 voitures et 25 scooters qui sont mis à disposition des personnes pour les aider à trouver ou conserver leur emploi. Grâce à l’aide de Garrigues, 120 personnes ont accédé à l’emploi en 2016 !
- Un jardin solidaire dans le petit village de Barjols, une laverie solidaire et un ensemble de petites activités annexes, ainsi que des actions transversales, pour favoriser la convivialité, l’accueil des personnes, des ateliers…
Toutes ces activités confondues nous permettent de rencontrer et d’accompagner tout au long de l’année à peu près 800 ménages, ce qui représente environ 2500 personnes ! »
Quels sont les « bénéfices secondaires » de ces propositions ?
« Au-delà de tout ce travail d’accompagnement social et de propositions de résolution de problèmes ou d’espaces d’implication, l’objectif de l’association est de favoriser la rencontre et le lien social à travers la mise en place de plusieurs espaces de convivialité. Ceux-ci se développent à travers plusieurs canaux : des accueils conviviaux, des ateliers qui évoluent en permanence (magie, cuisine, chant, sophrologie, gym…), des sorties d’accès à la culture et à la vie sociale… Toutes ces propositions se tiennent tout au long de la semaine, en parallèle du travail d’accompagnement et des activités concrètes que nous développons. Il est essentiel de vivre des moments au-delà de l’accompagnement social ! ».
Avez-vous une philosophie d’action particulière ?
« Toutes les activités que nous proposons passent à travers le filtre de différentes questions :
- Est-ce que ce que nous proposons répond à une problématique rencontrée ?
- Est-ce qu’en parallèle de cette problématique nous pouvons mettre en place un accompagnement global pour les personnes qui le désirent ?
- Est-ce que l’organisation de toutes ces activités et la mise en place de tous ces espaces nous permettent d’impliquer des personnes qui ont pu être soutenues dans un premier temps, et qui ont beaucoup de compétences et de savoir-faire, et qui souvent n’en n’ont plus conscience en raison d’un parcours de vie jalonné d’échec ?
Nous souhaitons que l’organisation de ces activités permette cette implication et le fait que toutes les ressources (techniques, humaines…) dont disposent ces personnes puissent être mises au service des activités et du parcours des personnes que nous rencontrons. Nous voulons aussi que les différentes réalités que développent Garrigues puissent être connues du plus grand monde.
Ainsi nous veillons à ce que tous ces espaces d’accueil, de rencontre et de convivialité soient autant d’espaces où l’on communique sur la possibilité de s’impliquer, sur ce qu’on peut trouver au sein de l’association… Cela nous semble important pour favoriser l’implication et la rencontre ! »
Avez-vous des projets de développement ?
« Nous développons des projets à partir des difficultés que nous identifions dans notre travail quotidien avec les personnes que nous accompagnons. Historiquement, nous sommes partis de l’épicerie solidaire et petit à petit nous avons créés de nouveaux projets en fonction des problématiques rencontrées. La partie mobilité s’est beaucoup développée, et au sein de cette action, nous avons réalisé que les personnes rencontrées pouvaient avoir des difficultés à passer le permis de conduire. Partant de ce constat, nous sommes en train de travailler à la création d’une auto-école solidaire, entre autre choses… ».
« Aucun discours ne vaut la réalité »
Après cette interview, Philippe Blanc et Mathieu Galand nous font visiter les lieux. C’est essentiel pour réaliser ce que fait l’association, car « aucun discours ne vaut la réalité », nous disent-ils.
L’association est installée sur 2 grands terrains de 5000 m2 chacun. Garrigues est à l’origine un nom « inventé » par Gilles Rebêche, diacre et délégué épiscopal à la solidarité. Il signifie : « Groupement d’Animation Rurale, de Recherche d’Innovations pour Gérer des Unités d’Economie Solidaire. »
« Je suis admiratif du climat qui règne entre les membres de l’association : ici il n’y a pas de violence, alors que nous accueillons des personnes qui vivent de grandes difficultés. C’est extraordinaire et c’est une chance ! », s’enthousiasme Philippe Blanc. « Les rapports sont horizontaux, et pas verticaux, nous évitons la hiérarchie des relations tout comme les relations de dépendance. Nous considérons les personnes qui sollicitent les services de l’association, elles en sont même parfois surprises !».
« Le respect envers les personnes que nous accueillons est fondamental : il est essentiel de considérer la personne qui vient ici dès le premier regard que nous lui adressons », ajoute Mathieu Galand. « Notre leitmotiv est d’enrayer le processus d’hérédité dans la précarité ».
En se baladant dans les différents lieux, nous réalisons que se vivent ici des choses particulières, simples et fortes à la fois. Nous ne sommes pas dans l’utopie, ni dans le « monde des Bisounours » : nous sommes dans la vraie vie, dans laquelle chacun respecte et considère l’autre, quel que soit son statut, son rôle, son histoire et ses fragilités.
Un regard qui envisage l’autre
A Garrigues, le regard ne dévisage pas, il envisage l’autre pour lui redonner confiance !
Ce que nous avons vu, entendu et rencontré ce jour-là avait le goût inestimable des choses rares. Avant de partir, nous n’avons pas pu résister au plaisir d’aller rejoindre l’atelier chant dont les notes s’envolaient généreusement par la porte ouverte du bungalow… et certains d’entre-nous ont joint leurs voix aux autres.
Pouvait-on faire autrement car la chanson (immortalisée par Bourvil et Marie Laforêt) résumait bien la journée :
« Quand la vie impitoyable vous tombe dessus,
On n’est plus qu’un pauvre diable broyé et déçu,
Alors sans la tendresse d’un cœur qui nous soutient,
Non non non non, on n’irait pas plus loin. »
Dès notre arrivée à Garrigues, des personnes souriantes et disponibles nous ont reçus comme si nous étions « de la famille ». Grâce à l’originalité de ce « petit village indien » en cercle, on a l’impression d’une grande embrassade amicale. D’emblée, on entre dans la ronde !
Salariés et personnes impliquées ne font qu’un !
Ici, accueillants et accueillis, salariés et personnes impliquées ne font qu’un ! Tous se sont affairés à la préparation de ce succulent déjeuner, tandis que les 2 responsables du camion-épicerie servaient leurs « clientes » et que les enfants (nombreux à cause des vacances) mettaient une ambiance joyeusement bruyante. La préparation des gaufres était un évènement à ne pas manquer ! Il nous a fallu, nous aussi, « mettre la main à la pâte » !
« Ici on reçoit autant qu’on donne » nous dit quelqu’un : les mots « échange et partage » sont vécus et bien vivants. C’est le système des vases communicants. Toutes ces personnes, qu’elles vivent seules ou en famille, avec ou sans travail, plutôt sans ressources, toutes ont eu un jour le courage de venir demander de l’aide à Garrigues.
Et dans ces moments privilégiés de rencontre et de convivialité, elles oublient pour un temps tout ce qui les attend au retour. Moments de grâce qui permettent de reprendre sa respiration.
La précarité présente en zone rurale
Dans le monde rural, la précarité est aussi impressionnante que dans les villes, même si elle n’arbore pas le même visage. Mathieu Galand évoque « les mamans seules et complètement déracinées, les personnes âgées prisonnières de leur habitat, les marchands de sommeil qui sévissent aussi en zone rurale… ».
Il n’y avait rien à ajouter. Pendant un grand moment, presque avec recueillement, nous l’avons écouté, assis autour de la table. Morale ou matérielle, la pauvreté, c’est comme un glissement de terrain : on ne la voit pas venir et un jour elle vous enfouit et vous périssez sous les décombres…
Ce « monde inéquitable » dont parle Yves de Kermel, bénévole à l’UDV, prend des proportions terribles. A Garrigues, on s’en indigne, on lutte quotidiennement et par une foule de moyens ; la solidarité, l’amitié et la volonté savent donner des ailes à l’imagination et offrir à tous des petits bonheurs et de grandes joies.
Laissons à Bourvil les mots de la fin :
« Dans votre immense tendresse, immense ferveur,
Faites donc pleuvoir sans cesse au fond de nos cœurs,
Des torrents de tendresse pour que règne l’amour,
Règne l’amour, jusqu’à la fin des jours. »
Une supplique qui s’adresse à nous tous sans exception…. Chers lecteurs, allez faire un petit tour à Garrigues, vous ne rentrerez pas chez vous comme avant !
Texte : Aline Racheboeuf et Christophe Parel
Photos : Aline Racheboeuf et Yves de Kermel
Pour contacter l’association :
Garrigues
164, traverse Saint Jean
83470 SAINT MAXIMIN LA SAINTE BAUME
04 94 59 96 63
[email protected]
Lien vers le site du covoiturage solidaire : http://www.trajeco.org/var/