« La femme qui murmurait à l’oreille des chevaux »
Les Amis de Jalna est une association basée aux Arcs-sur-Argens (Var), qui promeut l’équithérapie auprès des publics en situation de fragilité, tels que les personnes avec un handicap. Nos reporters sont allés sur place pour tenter d’en comprendre les bienfaits.
Dès notre arrivée, nous sommes immédiatement plongés dans l’univers équestre. Le vaste terrain occupé par l’association est situé à l’écart de la ville. Il est constitué d’une carrière, dans laquelle les chevaux « travaillent », et de prés où ils peuvent se reposer. Nous sommes accueillis par Pascale Ducrot, fondatrice et responsable de l’association depuis 12 ans.
C’est elle qui nous présente ses chers protégés : 4 chevaux, 2 poneys et le chien, Taïga, une femelle Border collie, très utile dans le travail avec les équidés. Tout en visitant le site, nous découvrons les 6 « pensionnaires » de cette association pas comme les autres.
Du côté des chevaux, nous faisons connaissance avec :
- Gaïa, belle jument camarguaise âgée de 19 ans, à la robe claire, et au caractère généreux et affirmé.
- Gandhi, beau mâle baie de 12 ans, très polyvalent.
- Jalna, la « star », belle jument alezane et trotter Français de 22 ans; C’est elle qui a donné son nom à l’association.
- Tao, beau bébé de 10 ans, fils de Jalna. C’est un cheval très stable au niveau émotionnel : il convient parfaitement aux personnes avec un handicap.
Nous découvrons aussi les femelles poneys :
- Lili, 14 ans, qui sait tout faire, montée ou attelée.
- Grisette, 19 ans, une ponette idéale pour les enfants inhibés et craintifs.
Toutes deux sont parfaitement adaptées aux enfants ou aux personnes qui manquent de confiance en elles.
Une histoire de « fous »
Au quotidien, Pascale est entourée de 2 jeunes femmes qui l’aident pour le soin et l’éducation des chevaux, ainsi que pour l’accueil du public et le déroulement des activités.
Oriane est salariée en tant que monitrice d’équitation. Stella, bénévole, a le projet de faire un apprentissage de « palefrenier soigneur ». Toutes trois seront bientôt rejoint par Maeva, monitrice en contrat de service civique, qui viendra renforcer l’équipe.
Après avoir fondé Les Amis de Jalna en septembre 2005, Pascale a pendant longtemps été bénévole et présidente. Depuis peu, elle a cédé sa place de présidente et elle est salariée à temps partiel.
Rien ne prédisposait cette parisienne, assistante sociale dans l’éducation nationale, a tout quitter pour venir fonder l’association dans le Var. Rien, si ce n’est cette petite voix intérieure et cette force de conviction qui l’anime depuis 12 ans !
Pascale est une passionnée, cela se voit et s’entend : « Nous avons une urgence à vivre par les temps qui courent» explique-t-elle. « C’est une histoire de fous que de m’être lancée dans cette aventure, mais je me sens à ma place » ajoute-elle.
« Ici, nous expérimentons le mythe du centaure, celui de l’homme cheval. L’équithérapie consiste à devenir cheval pour redevenir humain. La grande sensibilité des chevaux permet cela : un retour à soi via l’échange avec l’animal. Et nous, thérapeutes, nous ne sommes que les médiateurs et les porte-parole du cheval », précise Pascale.
Notre visite aux Amis de Jalna, la passion de Pascale Ducrot pour sa mission, sa profondeur de pensée, de recherche au service de tous, toujours liées au contact avec le cheval, « devenir cheval pour retrouver son humanité », tout cela ne pouvait que nous amener insensiblement à nous intéresser à une créature mythologique : le Centaure.
Le cheval est apparu en Grèce avec les nomades qui envahirent le pays au IIème millénaire avant notre ère, et les centaures pourraient être des divinités liées à cet animal indispensable à ces populations… Il se peut aussi que la nature mi-homme mi-cheval du Centaure rappelle les peuples de dresseurs de chevaux sauvages qui vivaient dans les régions de la Grèce comme la Thessalie ou l’Arcadie.
Créature imaginaire à la fois populaire et mystérieuse, le centaure s’invite dans les récits des poètes antiques tels qu’Homère. Rapide, résistant, il évoque toujours cette sorte de connivence entre le cheval et son compagnon humain et n’a rien en commun avec les lutins, les fées ou autres intervenants de la vie humaine. Vivant hors des chemins parcourus par les hommes, il n’a pour armes que des branches d’arbres.
Comme dans toute espèce, on trouve des bons et des mauvais centaures.
Il y a Nessos, le centaure dont la tunique magique causa la mort d’Hercule… et qui est devenue synonyme de cadeau empoisonné !
Mais le plus célèbre est Chiron (Kiron), le centaure immortel. Ami des dieux et des hommes, réputé pour sa grande sagesse, bon et instruit, protecteur des héros, il est selon Homère le modèle de la conduite morale.
Il fut l’éducateur d’Enée, valeureux guerrier qui, après la guerre de Troie, conduisit son peuple jusqu’en Italie où ses descendants seront Jules César et l’empereur Auguste. Educateur d’Achille, il en fit le modèle de l’homme parfait.
Enfin, Asclépios, fils d’Apollon, deviendra grâce à lui le dieu de la médecine. Ce même Asclépios qui, foudroyé par Zeus un jour de colère, reviendra à la vie sous la forme d’un serpent… (Le serpent, symbole de vie et de vigueur parce qu’il change de peau, est devenu Esculape : il s’enroule autour d’un bâton et forme le caducée des professionnels de la santé).
Blessé par une flèche empoisonnée, Chiron abandonna son privilège d’immortalité au profit du mortel Prométhée qui venait d’être délivré par Hercule de l’aigle qui lui rongeait le foie. Il mourut alors comme un simple mortel. Et Zeus honora ce geste en le plaçant au ciel sous la forme de la constellation du Centaure.
Cette constellation est une des plus grandes, elle compte pas moins de 300 étoiles, dont Lucy, un gigantesque diamant de 4.000 km de diamètre, noyau d’une étoile morte, découvert en 2004 et ainsi appelé en hommage à la chanson des Beatles « Lucy in the Sky with Diamonds ».
La mythologie et ses merveilles inépuisables ne cesseront jamais de nous étonner !
L’accueil de tous publics
L’association accueille tous types de publics, sans distinction d’âge ou de sexe. Elle s’ouvre aux particuliers et aux professionnels, tels que ceux de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) par exemple. Environ 300 personnes fréquentent chaque année l’association.
Bien implantée localement et reconnue par les différents partenaires, elle est adhérente à Dracénie Solidarités, pôle territorial de l’UDV.
Comme l’indique le site Internet des Amis de Jalna, l’objectif est « d’utiliser le cheval dans tous les projets ayant pour but de répondre aux besoins et attentes d’un public en demande d’aide, de soin, d’éducation, d’insertion etc. ».
La notion d’insertion, qui présidait lors de la création de l’association, s’est peu à peu élargie à celle de la relation d’aide et de soins par l’équithérapie. Les Amis de Jalna ont été le premier centre de thérapie par le cheval à être créé dans le Var !
L’équipe est soutenue par un conseil d’administration engagé et une vingtaine de bénévoles actifs. Chaque personne désireuse de devenir bénévole est invitée à s’engager vis-à-vis d’une charte éthique, garante des valeurs prônées par l’association.
Des activités diversifiées
L’association bénéficie aussi du soutien infaillible de la commune des Arc-sur-Argens depuis 2006. De leur côté, les pouvoirs publics (Etat et collectivités) accordent des financements, ce qui permet l’emploi des 2 salariées.
Les enfants peuvent participer aux activités à partir de 4 ans. Et les résultats sont étonnants : « Quel que soit la difficulté ou le handicap, un mieux-être est sans exception toujours observé grâce au contact avec les chevaux », témoigne Pascale.
Sur le terrain, on trouve aussi un « carré zen », un peu à l’écart. Ce lieu extérieur, entouré de bambous, permet les activités de méditation et relaxation, bénéfiques à celles et ceux qui en ressentent le besoin. Ainsi, l’association n’est pas seulement un lieu où se déroulent des activités équestres, mais peut-être aussi un lieu d’activités corporelles de détente, de relaxation, de soin, d’accueil, d’écoute et de convivialité : hors du temps et loin du stress…
Les activités proposées aux participants sont très nombreuses et variées : chantiers jeunes éducatifs, éducation par le cheval, équithérapie, équithéâtre, équitation adaptée ou personnalisée, aide à la parentalité…
Pour retrouver l’historique de l’association et découvrir les activités détaillées, téléchargez le dossier de presse.
Projets d’avenir
Forte de 12 années d’existence, l’association Les Amis de Jalna n’en oublie pas pour autant de se projeter vers l’avenir, et les projets sont nombreux ! Pascale Ducrot nous explique que : « la structure a pour projet de déménager dans un autre lieu, mieux adapté pour pouvoir proposer un hébergement ».
Le projet serait d’en faire un lieu de vie pour pouvoir accueillir des jeunes mineurs dans le cadre des séjours de rupture ou d’accueil d’urgence, et qui serait relié aux activités d’équithérapie. « Les choses pourraient aller assez vite, un an tout au plus », nous dit-elle, en ajoutant que pour concrétiser ce projet, l’association recherche un mécène pour le financer.
Chers lecteurs, si ce reportage vous a touché, vous pouvez parler de ce projet autour de vous.
De plus, n’hésitez pas à vous rendre sur place pour expérimenter l’équithérapie : vous ne serez pas déçus, Jalna et ses amis ont tant à nous apprendre…
« Le cheval est un bon maître, non seulement pour le corps, mais aussi pour l’esprit et le cœur » (Xénophon)
(Les citations en italiques sont extraites de l’interview de Pascale Ducrot)
L’équithérapie n’est pas un traitement direct de maladies somatiques ou de troubles moteurs. C’est une intervention qui touche l’esprit, le moral, la personnalité. Soin psychique médiatisé par le cheval, il est dispensé à la personne dans ses dimensions psychique et corporelle.
«Elle met en jeu et en relation un thérapeute, un cheval et une personne (ou un groupe de personnes) ; cette interaction permet à la personne de répondre, soit à un besoin, un désir, une interrogation ou quoi que ce soit… ».
Pour les personnes en quête de développement personnel ou en psychothérapie, « c’est en faisant appel au cheval dans cette interaction qu’elles vont trouver la réponse à leurs questions. »
Les origines de l’équithérapie sont certainement aussi vieilles que l’apparition du cheval sur notre planète. Depuis 250.000 ans cet animal n’a cessé d’être un compagnon pour l’homme. Mais la méthode de soin ne se pratique que depuis un demi-siècle environ : d’abord en Norvège et au Danemark, autour de 1955, puis au Royaume-Uni et en France. C’est en 1970 que Madame Renée de Lubersac créa l’Association Handi-Cheval .
A qui s’adresse l’équithérapie ?
Aux personnes atteintes de tous types de handicaps, moteur, sensoriel ou mental, aux personnes souffrant d’autisme, de maladies psychiques, de difficultés psychologiques (liées ou non à une maladie ou un handicap), ou aux personnes en quête de développement personnel ou d’un mieux-être etc.
Les bienfaits de ce traitement sont nombreux et durables, notamment en ce qui concerne l’hémiplégie, la paraplégie et divers troubles neurologiques. L’équilibre des patients s’améliore, leur musculature se renforce et leurs articulations s’assouplissent. Et surtout, on voit s’améliorer leur moral, base de toute autre amélioration.
« L’équithérapie se décline en fonction du profil de la personne : ce peut être une source de détente et de bien-être, car le cheval est un animal apaisant qui, lorsqu’on on le monte, permet de travailler sur son propre corps. Elle permet aussi d’apprendre à gérer ses émotions. »
En France, beaucoup d’hôpitaux fonctionnent avec des centres équestres où l’on trouve quelques chevaux entraînés pour l’équithérapie (tels Saint-Jean de Dieu à Lyon ou le C.H. Montfavet à Avignon).
« En équithérapie, on utilise le cheval à partir de ses qualités mais aussi de ses faiblesses, car c’est un animal de proie qui a peur. On travaille alors sur les difficultés du cheval afin d’être nous-mêmes en mesure de le diriger, le cadrer, pour arriver à faire quelque chose de sociable et d’acceptable avec lui. »
Reportage écrit par Rachel Boncoeur (stagiaire), Aline Racheboeuf (auteure bénévole) et Christophe Parel (responsable de la communication).
Mise en page : Delphine Dumont (chargée de communication).