Après Noël…
Les illuminations des villes se sont éteintes… On a toujours après les fêtes de fin d’année l’impression de quelque chose qui s’arrête brutalement et qui retombe. Retour à une obscurité de l’hiver un instant vaincue par ces débordantes lumières et ces musiques ondulant dans les rues et les magasins, et rythmant la ronde infernale des caddies.
Le 6 janvier, un regain de fête se propose, avec l’Epiphanie et son cortège de galettes, frangipane ou brioche, et la célèbre fève qui vous fait roi pour une heure ou deux… Et puis, le 2 février, à la Chandeleur, Noël ne sera vraiment plus qu’un souvenir avec les crêpes qu’on fera sauter en serrant bien fort une pièce dans la main gauche pour avoir toute l’année bonheur et fortune.
Les crèches seront démontées jusqu’à l’Avent suivant et tous les santons regagneront leurs boîtes de carton :
« Naïvement, dévotement, ils dormiront dans du coton en rêvant du doux chant : Noël, joyeux Noël, Noël joyeux de la Provence… »
Depuis le 1er décembre, c’est comme si la Terre entière avait été convoquée à l’émerveillement !
Oui, la Terre entière, car ces moments là ne laissent personne indifférent, où qu’il soit, quel qu’il soit, quoi qu’il en pense, quoi qu’il en vive. Et cela va du simple petit bonheur à la folie dépensière et ruisselante de tout ce qui peut être acheté…
« Noël, c’est l’espérance »
Le 14 décembre dernier, dans Var Matin, Gilles Rebêche résumait avec sa lucidité habituelle ce qu’il pouvait en être pour les plus fragiles d’entre nous : « Ce n’est pas la précarité, la galère, qui est difficile à vivre, c’est de ne plus avoir d’espérance. Et Noël, c’est justement l’espérance ».
Et, évoquant le caractère ambigu de cette période de fêtes : « Elle ravive des plaies, c’est le moment où l’on évoque la famille, les blessures, et beaucoup n’ont pas envie de fêter Noël ».
Dans toutes les structures de l’Union Diaconale du Var, salariés et bénévoles se sont activés pour « célébrer » ce jour si particulier AVEC les accueillis de chaque maison. Célébrer, oui, car ce mot évoque mieux un événement marqué d’une certaine solennité.
Et le contenu de certaines existences permet alors de vivre cet événement sans être débordé par les flonflons et les excès de certaines manifestations festives.
Nous n’allons pas ici vous détailler comme dans un catalogue tout ce qui a été vécu et célébré partout dans le réseau UDV et ailleurs, mais nous essayerons de mettre l’accent sur les fenêtres ouvertes d’une solidarité effectivement partagée.
Accueil, partage, fraternité ont été des réalités bien vécues auprès des jeunes mamans, des familles en difficulté, des migrants, des proches de détenus, des malades, des personnes âgées, de tous ceux qui sont seuls d’une façon ou d’une autre, en pleine ville ou à la campagne…
Des formes de pauvreté, donc de fragilité, il y en a tant aujourd’hui, et on finit par les croiser chaque jour sans les voir.
Emmanuel Grossetête, président de Romespérance écrit à ce propos :
« Pour nous, Noël est un dur rappel de notre exigence de vérité et de cohérence. D’un côté, nous célébrons le Christ né pauvre dans une mangeoire, et de l’autre nous travaillons avec des familles pauvres, en rupture de ban et exclues. Exigence de vérité donc, pour ne pas célébrer le Christ avec force rameaux le 25 décembre et le clouer sur une croix le lendemain par le biais de familles étrangères dont nous pourrions traiter avec mépris les demandes parfois pénibles et répétitives ».
Lumière de Noël, tu fais de nous des frères pour un monde meilleur…
Aux Amis de l’Horeb, par deux fois la grande salle d’accueil du Centre pénitentiaire de la Farlède a offert un repas aux familles et des ateliers aux enfants. Comment faire pour ne pas ajouter aux blessures que sont la punition de l’un et le chagrin de tous les siens ? Les bénévoles sont attentifs au moindre détail.
La lumière et la douceur de Noël savent se teinter de délicatesse.
A la Résidence solidaire des Favières (Logivar UDV), la même table a rassemblé autour d’un même repas les résidents, les éducateurs et les bénévoles. La danse et les chants ont prolongé la soirée. Aymeric, Jasmine et leurs 3 enfants, voisins solidaires et bénévoles rejoindront leurs familles le lendemain ; c’était leur deuxième Noël aux Favières, ils ont « créé leur foyer autour de cette maison ».
La lumière de Noël, c’est aussi la chaleur de l’amitié.
De l’autre côté de Toulon, Amitiés Cité UDV avait organisé un super goûter : concours de gâteaux (avec cadeau à la clef !) stand de maquillages… et un conteur venu narrer aux enfants une histoire de Noël. Deux ados de l’association (qui viennent habituellement y faire leurs devoirs) ont aidé au maquillage.
Lumière et joie de Noël sont dans les rires des enfants et le sourire des parents.
Aux Amis de Jéricho UDV, dès le lundi 17, on se préparait : atelier pâtisserie, course aux cadeaux, concert, karaoké, crêpes et confection des décorations destinées à la table du repas de Noël, le 25 à midi. Et les convives étaient si nombreux qu’il a fallu trois services pour restaurer tout le monde.
La lumière de Noël, c’est de savoir que même celui qui n’a rien a quelque chose à partager.
Et le 24 décembre au soir, le Bus de nuit a fait sa tournée, normalement, avec en plus des friandises pour tous. Préparé par les accueillis de Jéricho, ce petit plus s’ajoutait au repas distribué. Pour la tournée du jeudi 27, 80 boîtes-repas ont été offertes par le traiteur du Casino d’Hyères.
Etre lumière de Noël, porter la tendresse à ceux qui se cachent dans la nuit.
Bonne Année ! Bonne Santé !
Jour de l’An neuf ! Et nous voilà partis avec tous les synonymes du bonheur : félicité, joie, épanouissement, réussite… « et la santé, bien sûr ! »… et tout est dit pour obtenir une belle et bonne existence !
Nous, nous pouvons toujours nous souhaiter « plus de ceci…plus de cela… » parce que nous avons déjà du ceci ou du cela…
Mais à celui qui n’a plus rien de ce qui fait une existence vivable, que souhaiter ?
Et nous nous retrouvons avec les idées vides et les mains vides… Que dire à ces personnes « que diverses formes d’esclavage, parfois très complexes, ont amené à vivre à la limite de la dignité humaine » (Pape François) ?
Le soir du 31 décembre, aux 12 coups de minuit, les citrouilles ne deviendront pas carrosses, la soupe ne sera pas servie dans de la vaisselle en porcelaine et les chaussures des femmes resteront savates éculées. Les 365 jours à venir ressembleront, comme les précédents, à un mauvais jeu de piste sur une route embrumée, avec la souffrance en bandoulière.
« Il est donc temps d’ouvrir le cœur. Et d’abord les yeux » (M-M. Zanotti-Sorkine)
En ce temps-là du premier Noël, il se passa des choses comme il s’en passe encore dans notre monde d’aujourd’hui : de longs voyages, d’angoissantes recherches d’un toit, des refus et des rejets, des naissances pauvres dans des lieux inhospitaliers…
En ce temps là du premier Noël, la lumière et les chants vinrent exclusivement du ciel, incitant les pauvres du secteur à aller voir de près ce qui se passait. Des pauvres qui n’hésitèrent pas à apporter ce qu’ils avaient de meilleur, enveloppé de tendresse et de simplicité.
Puis ce furent les riches Mages et leurs symboliques présents. Passés ces jours extraordinaires, il fallut bien que les parents et leur bébé reprennent le courant de leur vie dans l’aujourd’hui de chaque matin.
Et comme dans notre époque actuelle, il leur fallut protéger le petit du massacre, fuir à travers le désert, arriver en terre inconnue comme les émigrés qu’ils étaient devenus… et puis un jour rentrer chez eux et y vivre dans la simplicité et l’amour des toutes petites choses bien faites.
Alors, essayons de faire en vérité l’inventaire de tout ce qui, dans notre monde, a détourné les cœurs et les esprits du vrai sens de Noël.
Quand le surfait, le bruyant, le superficiel, l’inutile sortent du tableau, restent alors la fraternité, le partage, la tendresse, la joie, la délicatesse, l’amitié… toutes choses à vivre toute l’année avec les plus fragiles d’entre nous, ceux dont souvent et par principe, nous n’attendons rien et qui savent si bien nous émerveiller si nous savons nous laisser saisir.
« Je prie pour que cesse l’inhumain dans le monde et le massacre silencieux des innocents » (Martin Gray , La Prière de l’Enfant)
Tout près de Bethléem, se trouve la GROTTE DU LAIT. La tradition rapporte que la Vierge Marie s’y serait cachée pour échapper aux soldats d’Hérode lorsqu’ils massacrèrent les petits garçons de moins de 2 ans sous le prétexte d’éliminer l’enfant Jésus.
Gardé par les Franciscains, c’est un lieu symbolique car il évoque à la fois la maternité et le tout début de la vie : l’enfant avec sa mère, la mère avec son enfant, lien si fort et si puissant.
Il nous a semblé tout naturel d’associer à cet épisode et à cet endroit bien particuliers le Noël des Maisons Bethléem UDV de Toulon : les mamans et futures mamans qui y sont accueillies ont connu et connaissent encore ces moments de peur, d’angoisse liés à la naissance de leur enfant.
Alors, imaginons les, assises autour de Marie et de l’Enfant :
Anna, qui vient d’accoucher et à qui Ludivine a offert tous les vêtements de son dernier-né… Ludivine, qui va faire baptiser son petit Killian, et ce petit qui va avoir un père adoptif… La petite Sofia et sa maman Fatima, maintenant bénévole après avoir été accueillie… Aurore… Rachel… qui suivent une catéchèse pour adultes… Leiny, enceinte de 7 mois… Faith, réfugiée, reçue dans une famille chrétienne, dont le petit garçon vient de naître prématuré.
Toutes les mamans du monde entier se souviennent avec émotion des premiers instants passés avec leur nouveau-né, les câlins, la tendresse qui vous envahit, ce sentiment unique du lien qui continue à les unir à celui qu’elles ont porté et pour qui il a fallu parfois se battre avec toute l’énergie de l’amour déjà maternel… inépuisable… inconditionnel… comme celui qui unissait Marie à son Fils.
Maisons Bethléem UDV, où l’on dépose sa valise avec son chagrin et où l’on découvre l’Espérance ; Grotte du Lait, devenue accueil des mères et de celles qui le deviendront, lieu où elles apportent leurs espoirs.
« C’est Noël chaque fois… C’est Noël chaque jour… »
OUI, on peut vivre Noël en toutes saisons, c’est même vital !
On en trouve le détail dans ce chant rendu célèbre par John Littleton et dont chaque ligne en est tout un programme.
C’est Noël chaque fois qu’on essuie une larme dans les yeux d’un enfant
C’est Noël chaque fois qu’on dépose les armes chaque fois qu’on s’entend
C’est Noël sur la terre chaque fois qu’on arrête une guerre et qu’on ouvre ses mains
C’est Noël chaque fois qu’on force la misère à reculer plus loin
C’est Noël sur la terre chaque jour. Car Noël, ô mon frère, c’est l’Amour
C’est Noël quand nos cœurs oubliant les offenses sont vraiment fraternels
C’est Noël quand enfin se lève l’espérance d’un amour plus réel
C’est Noël quand soudain se taisent les mensonges faisant place au bonheur
Et qu’au fond de nos vies, la souffrance qui ronge trouve un peu de douceur
C’est Noël sur la terre chaque jour. Car Noël, ô mon frère, c’est l’Amour
C’est Noël dans les yeux de l’ami qu’on visite sur son lit d’hôpital
C’est Noël dans le cœur de tous ceux qu’on invite pour un bonheur normal
C’est Noël dans les mains de celui qui partage aujourd’hui notre pain
C’est Noël quand le gueux oublie tous les outrages et ne sent plus sa faim.
C’est Noël sur la terre chaque jour. Car Noël, ô mon frère, c’est l’amour..
« Seul l’amour nous rend plus humains, plus complets ; tout le reste, c’est bon mais vide. » Pape François, JMJ Panama
Par Aline Racheboeuf, auteure bénévole à IOTA.