Un puits d’où résonnent des paroles libérées

Rencontre avec le groupe de parole Le Puits qui se réunit chaque mois pour faire émerger la parole des plus précaires en milieu rural.

Vendredi 9 juillet dernier. Centre paroissial Jean XXIII de Brignoles. Il y a là Jean-Pierre Barile, Mireille Rousset, Monique Ferrandes, Christine Scarfone, Gisèle Di Stefano, Mireille Burton, Patrick Di Stefano, Jérémy Di Stefano, Dominique Christophe, Sébastien Bonnier et Isabelle Cesana, coordinatrice de Provence Verte Solidarités – UDV qui prend note de tout ce qui se dit*.

L’ambiance est décontractée, la parole libérée. Un mélange de franchise et de bienveillance qui crée une atmosphère sécurisante. Voilà trois ans, maintenant, que le groupe de parole Le Puits se réunit, une fois par mois. Ce groupe, né d’un partenariat entre le Secours Catholique et Provence Verte Solidarités- UDV, est co-chapeauté par Marie Nathalie Bernard, animatrice du Secours Catholique, et Isabelle Cesana. Il permet à qui le souhaite de s’exprimer au centre paroissial Jean XXIII de Brignoles et, d’ailleurs, toutes les décisions qui concernent Le Puits font l’objet d’un vote par ses membres.

L’animation des différentes activités du jour est assurée par les membres à tour de rôle, afin qu’ils puissent monter en compétence dans ce domaine. On y parle de tout mais pas de rien. Et surtout, on écoute les propos des autres. Sébastien est un peu timide. C’est sa première. On le laisse s’exprimer, on le met à l’aise. Après une entame sur « la météo personnelle » de chacun, des thèmes plus précis sont abordés.

Des ateliers pour se décomplexer

Ce jour-là, on commence avec les deuxième rencontres de la diaconie en milieu rural qui ont eu lieu le 10 juin dernier à Cotignac. Comment le groupe a-t-il vécu la journée ? L’échange est… « cash ». Certains aimeraient être plus entendus dans leurs paroisses respectives et ils le disent ! Une vidéo a d’ailleurs été tournée. Des membres du groupe Le Puits exprimant ce qu’ils pensent de la place donnée à la parole des personnes en précarité dans les paroisses (voir la vidéo ICI). On évoque aussi deux projets à venir : un atelier théâtre et un atelier clown.

Le but de ces ateliers ? Décomplexer les participants du Puits. Et faire émerger la voix des personnes en précarité au travers d’actions qui susciteront à la fois l’intérêt des médias et celui des collectivités locales. Dominique Christophe, membre du comité de pilotage du Réseau Saint Laurent et bénévole à Provence Verte Solidarités – UDV, fait ensuite partager un extrait du Petit Prince, d’Antoine de Saint-Exupéry. Comment apprivoiser l’autre ? La question fait réagir au sein du groupe. Après un repas en commun, l’après-midi est consacré à un atelier de création d‘affiches sur le thème « précarité et richesse ». les participants ont appris à trouver un visuel et un slogan percutants.

Se faire entendre

Alors, que reste-t-il d’une journée comme celle-ci ? Quelques étapes de franchies vers une parole plus libre, indispensable condition à ce qu’elle soit mieux entendue. « Ce groupe est très important pour libérer l’expression des personnes en précarité. Il leur permet d’apprendre à se faire entendre en les décomplexant. Certains membres ont beaucoup évolué sur ce point depuis 3 ans et cela leur est très utile dans leur vie quotidienne ». « Il y a des choses de faites en ville pour les plus démunis mais il n’y en a pas forcément autant en milieu rural, estime Christine Scarfone, membre du groupe Le Puits depuis sa création (voir son témoignage ci-dessous). À la « campagne » c’est comme si les gens dans le besoin n’existaient pas. Ils sont bel et bien là, et ils doivent se faire entendre ».

*Absents excusés : Marie-Nathalie Bernard, Monique De Guigne, Rachel Boncoeur, Dominique Remond.


« On n’est pas nuls ! »

Christine Scarfone a connu, de son propre aveu, une « précarité très difficile ». Un départ de Toulon, une arrivée à Carcès, un divorce, un enchaînement de coups de durs. Tout va très vite et cette femme de 55 ans peut en témoigner. « Je ne voulais pas d’aide, la responsable locale du CCAS m’engueulait pour ça d’ailleurs. Mais je m’en suis sortie ». Aujourd’hui bénévole au Secours Catholique sur le secteur Carcès-Cotignac, membre du groupe Le Puits et du collectif La Parole des Sans-Voix, Christine ne connaît que trop bien l’antenne locale de Pôle emploi où on ne lui propose « que des ménages », alors « que je sais faire autre chose ! » précise-t-elle. Pour aider ceux qui traversent ces périodes difficiles, Christine a décidé de s’engager, via le bénévolat, dans la lutte contre la précarité dans son secteur. « C’est important pour moi de faire pour les autres. Je connais cette situation de précarité et d’ailleurs je ne claironne pas qu’elle est totalement derrière moi. Il faut rester vigilant et s’aider ».

Via le groupe de paroles Le Puits, Christine veut, au-delà du soutien apporté à ses membres, que la parole des plus démunis soit prise en compte. « C’est par des groupements comme ceux-ci que nous pourrons nous faire entendre. Un exemple : grâce au Puits, je fais partie de l’animation de l’accueil social inconditionnel de proximité de Brignoles. Je peux me faire entendre. J’ai même été sur la liste du maire sortant Patrick Genre. Lors d’un banal rendez-vous à propos d’une subvention pour une action, il m’a proposé d’être dans sa liste. J’ai d’abord cru à une blague mais il était sérieux. J’ai mis plusieurs mois à accepter car je ne m’en sentais pas capable et je ne voulais pas être un instrument. Puis j’ai dit oui. Toujours pour pouvoir faire raisonner la voix des plus précaires. Je savais que je ne siègerai pas au conseil, car jetais en fin de liste, mais que j’aurai été dans les commissions. Il n’a finalement pas été élu mais je ne regrette pas ». Avec Le Puits, Christine entretient cette dynamique de soutien dans laquelle elle est engagée. Et cela lui permet d’avancer elle aussi. « Je me suis découverte grâce à La parole des Sans-Voix. Et je continue ce chemin avec Le Puits comme dans mes engagements bénévoles. Nous sommes ouverts à tous ici. À ceux qui ont besoin de faire remonter des choses comme à ceux qui ont juste besoin de parler ».


 


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