A la Maison des Frères, « la porte est ouverte à tout le monde ! »

Située au Beausset, la Maison des Frères est un « gite auberge solidaire ». Portée par l’association Méditerranée Larges Horizons, la vocation de cette grande bastide provençale aux volets bleu lavande est de faire vivre et développer le tourisme  solidaire.

Une fois passé le portail vert clair avec ses piliers en briques, on se trouve immédiatement dans l’atmosphère si particulière de la Provence. Et voici que se révèle un bien joli tableau : un grand pin plus que centenaire monte la garde devant une grande maison dont les volets bleu lavande encadrent les fenêtres comme autant de regards… Une symphonie de couleurs.

Le parc de 5 000 m2  est habité, lui aussi, c’est indéniable : silhouettes à peine esquissées de temps révolus, Penon et Villeneuve (de la Royale), Bonaparte et Carteaux, les jeunes filles du pensionnat Notre-Dame et les convalescents de la Grande Guerre, sans oublier les premiers sans-abri logés par les Frères…

Tout, ici, conte la Provence, terre de soleil, de cigales et de vent. Terre de poètes, de peintres, de musiciens… « Nos travaux sont ceux qui donnent à l’homme l’immortelle renommée », dit Pétrarque.

A région exceptionnellement belle, atmosphère exceptionnelle aux senteurs d’herbes. Comment le cœur pourrait-il ne pas être touché ?

Mais la longue histoire du « Château » du Beausset est bien loin d’être terminée ! Commencée de manière familiale au XVIIIème siècle, c’est encore dans une atmosphère familiale que l’on y vit aujourd’hui et que le mot frère y conserve tout son sens.

Le logo du gîte auberge solidaire

Un havre de paix

Le logo du Gîte Auberge Solidaire à lui seul est évocateur. Trois mots réunis pour donner le sentiment d’un havre de paix où l’on se sent en sécurité. C’est Rémi Thiollier, le directeur de la Maison depuis le printemps 2011, qui en a eu l’idée : il explique que le petit personnage, avec son baluchon sur l’épaule, ancêtre du sans-abri avec son sac à dos, va dormir sur une étoile au lieu de dormir à la belle étoile.

Il y a là quelque chose de celle qui guida les Mages « jusqu’au lieu où se trouvait l’Enfant », et la Maison des Frères est le lieu où l’on arrive après parfois bien des péripéties.

Rémi Thiollier nous explique que le tourisme solidaire évolue en ce moment comme le tourisme en général. Les groupes, plus nombreux que les familles, cherchent avant tout des lieux économiques, car leurs associations ne sont pas riches, elles non plus. Ceux-ci arrivent avec leurs propres animateurs, alors que les familles et les personnes seules ont besoin d’un encadrement. Pour les bénévoles, l’accueil prend une nouvelle dimension. En juillet et en août, la maison est pleine, mais l’objectif du directeur est de parvenir à un taux de remplissage de 90% toute l’année. Durant ces 2 mois, les bénévoles sont très pris par la préparation des activités destinées aux familles et aux personnes seules.

Le pin centenaire dans le parc de la Maison des frères

Une maison ouverte à de nombreux partenaires

La Maison des Frères ne reste pas isolée. Pour le bien-être de ses résidents, elle ouvre ses portes toutes grandes à tout ce qui peut leur apporter un supplément de bonheur.

Il y a l’association Chapis-Chapos, qui vient 3 jours par semaine travailler sur la parentalité. La maison se transforme en lieu d’accueil parents-enfants de 0 à 6 ans. Les parents échangent, les petits jouent, participent à des ateliers ou des pique-nique dans le parc, et une fois par mois on offre le p’tit déj aux Familles. Les parents ont une place prépondérante et sont associés à tous les projets.

L’Association Trait d’Union met au service des personnes accueillies des ateliers gratuits de français pour leur permettre une meilleure et plus rapide intégration. Ces cours sont adaptés aux besoins de chacun et ont lieu à l’Espace Mistral du Beausset.

Un groupe d’amateurs d’aquarelles se retrouve chaque semaine au « Château », sous la direction de M. Warusfel. Les résidents qui le souhaitent viennent se joindre à eux. En remerciement de l’accueil qui lui est fait, le groupe a créé et offert une aquarelle par studio.

De plus, la Maison des Frères est en partenariat avec :

  • Le Secours Catholique du Beausset, pour les vêtements et l’alimentation.
  • La Fraternité St Laurent, qui vient régulièrement y vivre des « dimanches fraternels ».
  • Les équipes de prêtres qui viennent célébrer la messe une fois par mois.
  • La Mairie, surtout pour les accueils temporaires et pour les artistes de passage.
  • L’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), essentiellement pour les jeunes mineurs.
  • L’Ifape (Institut de Formation et d’Action Professionnelle Européen), qui vient tous les mardis pour les personnes en recherche d’emploi et qui aide aux démarches et à la constitution des dossiers. Les personnes qui ne résident pas à la Maison des Frères peuvent aussi en profiter.

Elle travaille aussi avec l’association Don Solidaire et elle adhère au réseau de l’Union Diaconale du Var (UDV).

Un accueil inconditionnel

« La porte est ouverte à tout le monde ! »  s’exclame Martine Dété.  Elle travaille dans la Maison comme « chargée d’accueil » mais on s’aperçoit bien vite que chez elle ce mot recouvre bien autre chose. Les vacances au « Château » constituent une amélioration du quotidien des personnes qui vivent là bien mieux que le « gris » de leur quotidien habituel. Ici elles peuvent atterrir, se poser et se ressourcer pour prendre ensuite un nouveau départ.

Le fait de ne pas pouvoir partir en vacances constitue aujourd’hui un motif d’exclusion supplémentaire, et les enfants y sont nettement plus sensibles. A la Maison des Frères, il n’y a pas de cloisonnement entre les catégories de personnes accueillies, et ce mélange permet, avec le partage des expériences vécues, même si elles sont totalement différentes, de retrouver  un certain élan.

De plus, ces échanges entre personnes plus ou moins fragilisées par leurs difficultés concourent à une ouverture d’esprit et au retour à une sociabilité perdue. Les ateliers comme le bricolage et la cuisine sont des moyens extraordinaires de partage et d’apprentissage, de rire retrouvé aussi. Et dans ce domaine, l’atelier clown est particulièrement apprécié !
Les arrivées sont vraiment soignées mais  ceux qui partent ont également droit à un moment de convivialité.

La bibliothèque, le salon TV, l’accès internet (wifi), des jeux, tout favorise le bien-être. Un bel oratoire propice au recueillement accueille celui ou celle qui souhaite trouver silence et paix.

Dans la Maison des frères, des espaces de vie chaleureux et conviviaux.

Ainsi, la maison accueille :

  • Des personnes seules, avec ou sans enfants,
  • Des familles,
  • Des groupes avec leurs animateurs
  • Des familles-relais pour une durée qui peut aller jusqu’à 2 ans ; familles qui n’ont plus de toit pour cause de problèmes personnels, financiers, psychologiques etc.
  • Des handicapés mentaux, autistes et psychotiques, avec l’association « J’interviendrais », accompagnés de leurs éducateurs, et ce depuis plusieurs années,
  • Des fêtes de famille : baptêmes, premières communions (mais pas de mariage en raison des décibels),
  • Des femmes battues et envoyées par les urgences sociales,
  • Sur le plan ecclésial : des retraites de communion, des professions de foi, des week-ends d’Aumônerie…
  • Et puis il y a les jeunes apprentis du CFA (Centre de Formation à l’apprentissage) : trois groupes de jeunes entre 15 et 25 ans et quelques adultes tournent : 15 jours au travail, une semaine à l’école. Ils sont présents du dimanche soir au vendredi matin, et sont regroupés à 2, 4 ou 6 par studio.

4 Mineurs Non Accompagnés (MNA) de 15 à 17 ans, sont envoyés par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Ils arrivent exténués, après avoir vécu des drames incroyables. Ils sont stressés et commencent par dormir pendant 2 ou 3 jours. Pour eux la réalité est difficile à affronter. Ils ont des activités avec l’association Trait d’Union : cours de français, de droit… On leur apprend aussi l’hygiène et des règles de vie élémentaires.

Ils sont de plus en plus nombreux : on compte dans le Var environ un éducateur pour 70 jeunes. De gros problèmes d’encadrement se posent donc. L’ASE leur fait passer toutes sortes de tests et d’interrogatoires, puis, les oriente ensuite vers un foyer ou une famille d’accueil.

Pour eux, quel avenir ? Martine Dété parle de ces jeunes avec beaucoup de tendresse. Eux-mêmes ont besoin de cette présence maternelle pour se reconstruire, ils l’appellent « Mamie, Maman… » et autres petits noms bien à eux. Enfin, en ce moment, 4 familles de réfugiés dont les origines sont la France, l’Arménie, la Côte d’Ivoire et le Maroc.

Tous les résidents se font la cuisine, sinon, il est fait appel à un traiteur.

Une équipe solide au service de tous

Le personnel est varié, d’origines, de professions et de convictions différentes : il y a des chrétiens, des musulmans et des non croyants. Rémi Thiollier, « l’âme de la maison » depuis 6 ans, nous dit combien il tient en estime son équipe, et combien il sait pouvoir compter sur tous, sans exception.

Car « il n’est de richesse que d’hommes », Iota leur taille le portrait :

Rémi, le directeur coordinateur, « homme-orchestre » de la Maison,

Martine, chargée d’accueil : l’accueil dans toute l’acception du terme,

Naouel, qui fait de l’administration,

Marlène, secrétaire administrative,

Ouahiba, maîtresse de maison,

Sylvio, le factotum, ex résident de la Résidence Solidaire Les Favières, également chargé de veiller sur les 3 poules, accueillies récemment, et qui font la joie des résidents à qui les œufs sont offerts à tour de rôle,

Maïssa, travailleuse social, conseillère en économie sociale et familiale (CESF), passe tous ses jeudis à démêler des situations parfois incroyables,

Jonathan, volontaire civique,

Et enfin Dominique, nouveau venu dans la maison, appelé à remplacer Laure et Benoît d’Ussel, les « voisins solidaires ».

Complétée par les bénévoles, l’équipe soudée et solide, est placée sous la houlette de Jean-François Karcher, président de Méditerranée Large Horizons (MLH).

Une équipe soudée et dynamique au service du projet de la Maison des Frères.

La « Maison d’à côté »

A force de la nommer ainsi, c’est sûr qu’elle gardera un si gentil nom ! Comme son nom l’indique, cette maison jouxtant la Maison des Frères a été acquise pour augmenter les capacités d’accueil. Elle est actuellement en travaux et un appel aux dons a été lancé pour abonder au financement de ceux-ci (cliquez-ici pour découvrir l’appel aux dons). La fin des travaux est prévue à l’automne. Encore un peu de patience et cette ancienne structure redevenue neuve offrira :

  • Au rez-de-chaussée, une grande salle pouvant accueillir 60 personnes,
  • Au 2ème étage, 4 studios, augmentant ainsi les capacités d’accueil.

Cette extension était souhaitée depuis longtemps, pour que la maison puisse accueillir des groupes importants. Le fait de pouvoir accueillir plus de personnes contribue à développer le projet du gite auberge solidaire.

Les agréments n’étant pas encore tous arrivés, le Directeur a préféré ne pas trop s’étendre sur le sujet. RDV à l’automne pour l’inauguration !

En guise de conclusion

Ecouter, ce qui suppose ensuite d’entendre, tel est le maître mot de la vie de cette sympathique maison. Les personnes accueillies sont si différentes par leurs origines, leurs cultures et leurs parcours que leurs attentes s’avèrent également multiples et entraînent chez leurs accueillants une attention aux couleurs d’arc-en-ciel.
Ce souci permanent de l’autre pousse jusqu’à l’extrême écoute et compassion tout en respectant ce qu’il est, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne. Il a été un jour percuté par le malheur ? Proches et efficaces,  on l’aide à réinventer sa vie pendant un séjour où il pourra sans crainte poser son baluchon.

« Principe de vigilance, actes de simple humanité, maîtrise de  l’affectivité, discernement, travail d’équipe, passage de relais, évaluation, respect de l’indépendance de l’autre… »,  telles sont les « bonnes pratiques » édictées par Gilles Rebêche dans son dernier ouvrage, Sur les chemins du serviteur (Editions de l’Atelier). Elles sont sans nul doute au programme des hôtes d’une Maison des Frères qui porte bien son nom !

« Par des gestes d’attention et par notre participation active à la vie sociale, nous témoignons à notre prochain que nous voulons l’aider à devenir lui-même et à donner le meilleur de lui-même pour le bien de toute la communauté humaine. »
St Jean-Paul II cité dans la Clé d’octobre 1997.

Encadré : Le tourisme solidaire

Le tourisme solidaire est un concept qui a connu quelques variantes. Les gens n’ont jamais cessé de voyager, de vouloir découvrir de nouvelles terres, communiquer avec d’autres peuples,  partir seuls ou en groupes, tributaires des rencontres qu’ils feraient au cours de leurs odyssées. Au Moyen Age, entre autres, on avait coutume d’accueillir et d’héberger le ou les moines qui transportaient avec eux le « rouleau de la mort » annonçant le décès d’un père abbé à tous les monastères de la Congrégation. Ces voyages duraient parfois très longtemps, l’émissaire parcourait villages et provinces, partageant au passage la vie quotidienne et le travail de chacun. Il se faisait un échange de culture, de coutumes,  comme un réseau social ! Voyager pouvait rimer aussi avec solidarité, accueil, où l’homme et ses rencontres contribuaient à l’amélioration de la vie de tous.

Par Aline Racheboeuf, auteure bénévole à IOTA.

Pour contacter l’association : 
Maison des Frères
16, rue Estienne d’Orves
83 300 LE BEAUSSET
04 94 98 72 72
[email protected]
http://www.maisondesfreres.fr/


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